Auteur : Liam63
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CANIS LUPUS

Chapitre 20

Wufei, affamé, glissa sa tête dans le frigo et constata avec un certain dépit qu’il ressemblait à une plaine déserte après une bataille cruelle. Ni Duo, ni lui n’avait fait les courses de la semaine. Planté sur leurs positions, chacun attendait que l’autre le fasse. Résultat ? Ben il avait très faim, et il n’y avait plus rien de comestible. Le métamorphe, lui, pouvait se rabattre sur de petits animaux lorsqu’il prenait sa forme de loup, mais Wufei ne trouvait guère de fruit ou de légume en plein hiver. Il soupira à sa propre bêtise, et se dirigea vers la chambre où son amant sommeillait encore. Duo rentrait tard la nuit. Le club fermait vers deux heures du matin, parfois trois, et il était très rare qu’il rentre sans avoir fait un petit détour par la forêt depuis au moins trois nuits. Il semblait nerveux ces derniers temps, sans raison particulière, juste comme un animal qui pressent quelque chose d’anormal. Wufei avait bien essayé de lui parler, mais son compagnon haussait les épaules et changeait de sujet. Par instant l’Asiatique se demandait si Duo regrettait de s’être précipité dans cette relation. Peut-être se lassait-il ? Après tout, les couples mixtes (métamorphe/humain) n’étaient pas si nombreux.

La nuit dernière il l’avait réveillé pour faire l’amour, cela avait été plus passionnel que jamais, peut-être même à la limite de la violence, et si l’idée de refuser n’avait pas traversé Wufei, il avait la sensation que Duo aurait très mal prit un : Non, j’ai sommeil. Quelque chose avait incidemment changé dans leur relation mais il ne parvenait pas à déterminer quoi, et cela engendrait chez lui un état d’angoisse qui lui était généralement inconnu. Il ne s’attachait jamais suffisamment à quelqu’un pour le ressentir.

Le jeune homme s’accroupi près du lit et embrassa doucement le métamorphe qui ouvrit un œil pour lui rendre son baiser.

- Je vais en ville. Tu as besoin de quelque chose ?

- Un steak gigantesque si tu survies à l’idée de mettre les pieds dans la boucherie.

Duo le regarda avec une petite lueur malicieuse et lui tapa sur le derrière de manière triviale. Wufei lui jeta son habituel regard noir et lui pinça sauvagement la peau au niveau de la taille.

- Je crois que quelques légumes ne feraient pas de mal à ton tour de taille mon amour.

- Hé ! Gardes tes insinuations pour toi ! Ronchonna Duo encore un peu endormi.

Néanmoins malgré la fatigue sa main glissa sur la courbe des fesses de Wufei et son regard se troubla un peu.

- Les courses pourraient attendre…

- J’ai faim moi !

- Moi aussi.

Sans vraiment comprendre ni comment ni pourquoi Wufei se retrouva allongé sous les couvertures en train de s’envoyer en l’air comme un damné, Duo semblait insatiable.

Lorsque le Chinois arriva enfin à s’extirper du lit pour aller en ville, il était presque midi. Il passait de magasin en magasin et saluait de ci delà les habitants, comme il en avait l’habitude. Une étrange atmosphère s’était installée. Elle dominait la ville, comme un nuage lourd et bas qui préfigurait l’orage. Cela touchait essentiellement les métamorphes. Ils paraissaient extrêmement nerveux. Wufei n’aurait pu dire depuis combien de temps cela durait, puisqu’il était resté à la ferme toute la semaine, mais c’était si présent, si évident, qu’il était impossible de ne pas remarquer quoique ce soit. C’était comme si un événement important allait se produire ou, comme si un danger menaçait. Même le jeune commis, à l’épicerie, habituellement très chaleureux, s’était montré grognon. Une vague d’agressivité léchait les pieds de chaque loup de la ville. Le climat était électrique, presque angoissant. En même temps une espèce de fièvre serpentait entre rues et ruelles. Jamais encore Wufei n’avait ressenti les choses ainsi. Il fit ses courses au plus vite, puis se dirigea vers le poste de police. Il éprouvait le besoin de rentrer au plus vite, sans pourvoir déterminer pourquoi avec exactitude. Néanmoins, il souhaitait parler à Heero auparavant, de la cave. Une pièce contiguë avait été fermée, et avant de la réouvrir il voulait en connaître la cause. Un peu surpris, il trouva Trowa, en apparence serein, assis sur la barrière en bois qui entourait la petite maison de William Altford, juste en face du poste de police. Il fixait le bâtiment avec une drôle de lueur dans le regard. Un mélange de défi, de menace et d’impatience. Mais de l’affection également, si l’on y regardait plus attentivement.

Wufei s’approcha, puis leva son visage vers le ciel gris, presque noir.

- Tu prends le soleil je présume ?

Le métamorphe tourna vers lui un visage souriant.

- Non. J’attends la nuit en tentant de saper l’assurance d’Heero.

- Ha. Je suppose qu’il y a une bonne raison à cela.

Trowa hésita à poursuivre. Il savait pour en avoir discuté avec Duo, que celui-ci n’avait pas prévenu Wufei. Apparemment il se sentait suffisamment maître de lui pour ne pas être plus violent que nécessaire.

Pendant leurs chaleurs, les métamorphes s’arrangeaient pour n’avoir de relations qu’entre eux, afin de ne pas blesser un éventuel partenaire humain. Dans la ville, ceux qui n’étaient pas des loups savaient ce qu’il en était, et restaient chez eux. Seul Wufei devait l’ignorer. Trowa était contre. Il pensait que le Chinois avait le droit de savoir. Il ne sortait généralement pas la nuit d’après Duo, mais si cela arrivait… Evidemment, le fait d’être le Lien et le compagnon de Duo, devrait le mettre à l’abri d’éventuelles avances, mais si ? Ils restaient quelque part des créatures sauvages et imprévisibles, il y avait par conséquent toujours un Si. Et puis Wufei faisait parti des leurs à présent, c’était un minimum de le mettre au courant de leurs mœurs.

-C’est la pleine lune ce soir…

Le Chinois haussa les sourcils un peu surpris.

- Elle est toujours pleine ici.

- Oui mais ce soir elle serait pleine même si Wolf Lake n’était pas Wolf Lake.

- Ha.

L’Asiatique tentait d’intégrer cette nouvelle donnée mais il n’était pas certain de savoir où elle menait.

- Tu veux dire que tous les métamorphes de la ville seront des loups cette nuit.

- Oui, en quelque sorte. L’instinct prédominera et il vaut mieux que tu ne sortes pas. Ce serait plus prudent, on ne sait jamais. Nous restons des êtres dangereux dans certaines circonstances.

- Duo ne m’a pas parlé de ça.

Trowa haussa les épaules.

- Il a sans doute oublié.

- C’est pourtant le genre de détail marquant qui ne s’oublie pas non ? Il y a autre chose que je devrais savoir ?

- Les métamorphes seront en chaleur ce soir. Ca a déjà commencé, tu as dû le remarquer.

Wufei écarquilla les yeux. Il n’avait pas pensé que cela pourrait arriver, la plupart du temps il n’avait affaire qu’avec le côté humain des métamorphes, et il oubliait la part animale en eux, pourtant très présente. C’était indéniable lorsque l’on vivait à leurs côtés. Il trouvait très déplaisant que Duo ne lui ait pas parlé de cela. C’était important tout de même. A présent la nervosité et l’enthousiasme de son compagnon prenaient un nouvel éclairage

- C’est pour ça que vous êtes tous si nerveux ? Quoique, toi tu me sembles plutôt calme.

Un sourire ironique étira les lèvres du jeune métamorphe.

- Mais moi je suis certain d’avoir ce que je veux ce soir. Ce n’est qu’une question de patience, et j’ai toujours été très patient.

Le Chinois dirigea son regard vers le poste de police. Pour un peu il aurait été désolé pour Heero… Enfin, s’il n’avait pas essayé de le bouffer évidemment. Wufei lui avait pardonné, mais il n’oubliait pas pour autant.

- Un truc m’intrigue…

Trowa haussa un sourcil en guise d’interrogation, et Wufei poursuivit son raisonnement.

- En principe, chez les animaux, les chaleurs visent à la reproduction, et ce sont les femelles qui… Enfin tu vois. Hors ici elles touchent aussi les mâles entre eux apparemment. C’est parce que vous êtes moitié humain moitié animal ? En plus pour autant que j’aie pu en juger, il n’y a que très peu de femelle dans la meute, et certaines me semblent un peu âgées pour avoir des enfants. Sans compter que s’il est engendré par un humain, il peut très bien de pas être métamorphe. Votre race n’est-elle pas en train de s’éteindre ?

Il était bien conscient que sa question pouvait paraître assez maladroite et un peu vexante.

- La vie trouve toujours sa voie. J’ai entendu cette phrase un jour dans Jurassic Park, je l’ai trouvé, on ne peut plus vraie.

Trowa eut un sourire en coin. Il se demandait si Wufei allait le croire, bah ! Il verrait bien.

- En fait, quand les mâles se mettent en couple, il arrive que l’un d’eux subisse une modification de son organisme lui permettant d’engendrer. Nous avons étudié la question mais nous ne savons toujours pas comment un tel processus est possible, ni prévoir à qui cela arrivera. C’est… Un mystère. On pourrait même dire un miracle. C’est grâce à cela que notre race perdure.

- Tu veux dire que certains deviennent des femmes !

- Non. Ils restent des hommes, avec l’attirail et tout, ne t’affoles pas ! Il n’y a que l’intérieure qui change, de manière à ce qu’une vie puisse éclore.

- Et comment il… Enfin comment le bébé…

- Naît ? Une césarienne.

- Mais avant ? Je veux dire avant les progrès de la médecine ?

- Aussi des césariennes, mais beaucoup plus difficile à supporter. On leur ouvrait l’abdomen avec un couteau.

- Mais c’est horrible !

- Oui, je te l’accorde. Mais les métamorphse sont résistants et se régénèrent. Ils survivaient. Et puis nous avons une connaissance des plantes depuis très très longtemps, cela a beaucoup aidé.

Tout cela dépassait le Chinois, et de beaucoup. Il secoua la tête incrédule. Si cela ne lui avait pas été dit par Trowa, il aurait été convaincu qu’on se payait sa tête. Mais ce n’était pas le genre du jeune homme les blagues idiotes. De plus, personne ne paraissait avoir envie de rire aujourd’hui.

- Je te laisse, il faut que je vois Heero. Tu sais, je ne voudrais pas critiquer ta technique de drague, mais je ne suis pas certain du résultat sur une longue échéance.

- Qu’est-ce que tu veux dire ?

- Et bien tu me donnes l’impression de vouloir lui imposer ta dominance. Physiquement, peut-être que tu le peux, je n’en sais rien, mais il y a demain et après demain et les semaines à venir. C’est vraiment là dessus que tu veux baser votre relation ?

Trowa plissa et les yeux et gronda sourdement. Wufei recula d’un pas.

- Nous allons faire comme si je n’avais pas prononcé ces mots malheureux.

- Je suis une dominant. Que cela plaise ou pas à Heero.

- Je ne vous comprends pas…

- Il faudrait que tu sois un métamorphe pour cela. Heero me rejette parce qu’il refuse ma domination. Lorsque je la lui aurais imposé par la force il n’y aura plus de problème.

- Si tu le dis…

Wufei avait une grande gueule, mais pas assez grande pour contrarier un métamorphe dominant qui paraissait un peu sur les nerfs.

- A un de ces quatre !

Il tourna les talons et se dirigea vers le bâtiment qui leur faisait face. Là l’atmosphère était encore plus lourde si c’était possible. Il commençait à se dire que ce n’était sans doute pas le moment de se poser des questions pour un sujet aussi futile que la cave. Son regard balaya l’assemblée, puis il s’approcha de Zech qui semblait égal à lui-même. Les deux hommes se serrèrent la main et échangèrent quelques banalités. Enfin il se tourna vers Heero, qui, le regard tournait vers l’extérieur, griffait son bureau d’une main plus tout à fait humaine.

Wufei le salut à son tour.

- J’étais venu pour te parler de la cave mais je crois que ça peut attendre.

- La cave ?

La voix du Japonais était un peu éraillée, et elle sonnait étrangement aux oreilles de Wufei.

- Heu… Oui. J’ai vu qu’elle avait été condamnée et…

Il se rendit très vite compte que l’adjoint du Shérif ne l’écoutait pas vraiment.

- Rase la baraque si ça te fait plaisir je m’en tape !

- Nous en reparlerons tout de même un peu plus tard.

C’est sur un soupir qu’il quitta les lieux, assez dubitatif.

 

A suivre...

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