Auteur : Liam63
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Disclaimer : Rien n'est à moi.
Canis lupus
Chapitre 21
La nuit était tombée tôt ce soir là, comme c’est toujours le cas en hiver. La neige tourbillonnait en flocons légers, rajoutant de l’épaisseur sur un tapis blanc déjà conséquent, et les arbres craquaient doucement sous le vent. On entendait de temps à autre le bruit d’un amas de neige, chuter d’une branche ou du toit. Le hurlement des loups provenait de tous les côtés, plus ou moins proches, et il n’y avait déjà plus un commerce ouvert en ville.
Wufei avait éteint toute lumière, et il s’était posté devant sa fenêtre. Là, il observait le paysage devenu fantomatique sous la lueur Sélène. Il réfléchissait tantôt à son article, tantôt à son couple. Duo était parti comme tous les jours, un peu plus tôt tout de même, sans rien dire. Il avait juste recommandé à Wufei de ne surtout pas sortir, car la météo avait prévu un important orage. C’est avec cette même excuse qu’il avait vérifié toutes les ouvertures de la maison, solidifiant celles qui lui paraissaient un peu juste au niveau sécurité. Mais cette demeure avait déjà abrité d’autres personnes qui savaient ce qu’il en était. Elle était conçue en conséquence. Au départ de Duo, le Chinois s’était contenté de serrer les dents, fort contrarié que son amant lui mente. Il n’en voyait pas la raison, sauf s’il comptait allait fricoter avec d’autres membres de la meute. C’était cette idée qui empêchait le jeune homme de travailler à son article sur les substituts aux ressources pétrolifères. D’un côté, il comprenait que Duo ne faisait qu’obéir à sa nature, mais c’était la manière dont cela se passait qui lui déplaisait. Et puis, pas besoin d’être un loup-garou pour être possessif, et le loup roux c’était le sien voilà tout. Une fois encore, mais avec plus de force, il prenait conscience de sa différence. Il savait que si Duo lui échappait cette nuit, c’était parce que lui, l’étranger, n’était pas des leurs, il ne le serait jamais. Les métamorphes étaient bien une sorte de secte finalement, une secte à laquelle il n’appartiendrait jamais. Profondément triste il s’installa dans un fauteuil près de la cheminée, puis alluma la télé. Il zappa de chaîne en chaîne jusqu’à s’arrêter sur un vieil épisode de Stargate, encore une rediffusion, évidemment.
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Duo attendait que son barman cesse de le fixer avec cet air de reproche.
« Tu n’es pas sérieux ? »
« J’ai l’air de plaisanter ? »
« Ca ne rime à rien, ce n’est pas comme si tu allais le tromper ! Enfin réfléchis ! Tu ne vas quand même pas passer toute la nuit dans la cave ! En plus dans ta rage tu vas niquer toutes les bonnes bouteilles. »
« J’ai enlevé celles qui avaient de la valeur, elles sont derrière le comptoir. »
Ed secoua la tête. Il comprenait maintenant pourquoi son patron et ami lui avait demandé de venir, bien qu’ils n’ouvrent pas cette nuit là. Il soupira, renonçant à discuter. De toute manière ils n’en avaient plus vraiment le temps ni l’un ni l’autre.
« C’est comme tu veux boss. »
Prenant soin de bien faire les choses il enferma consciencieusement Duo. Celui-ci s’installa dans un coin de la pièce bien décidé à attendre sagement l’aube. Evidement il aurait pu demander à Wufei de faire cela, mais la cave de la maison était encore trop proche son goût, il savait qu’il ne devait pas sentire le Chinois trop proche, sinon ce n’est pas une porte qui l’empêcherait de le rejoindre. Et puis il avait honte, honte d’être incapable de contrôler l’animal en lui, ne fut-ce que le temps d’une nuit. Il ne voulait pas que Wufei soit obligé de l’enfermer comme la bête dangereuse qu’il était.
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Il filait plus vite que le vent, et pourtant Heero était encore plus rapide et plus agile. Il entendait juste la neige crisser sous ses pas et le froissement des bosquets lorsqu’il passait à l’intérieur. Trowa avait encore perdu son compagnon de vu et il commençait à sérieusement s’énerver, surtout lorsque le Japonais stoppa en haut d’une colline pour l’observer, le regard goguenard. Il ne parlait pas, mais Trowa avait l’impression d’entendre sa voix moqueuse : Ce n’est pas le tout de vouloir m’attraper hein ! Alors tu te traîne vieux ! Avec un bruit de gorge qui ressemblait presque à un gloussement le plus petit des deux loups gris détala à nouveau. Il semblait presque trouver cela amusant à présent.
Trowa réalisa que cela ne servait à rien de tenter de le battre à la course, Heero était plus léger et tout en muscles. Endurant, il pouvait courir comme ça toute la nuit s’il le fallait, sans être rattraper. Il fallait ruser. Trowa s’assit calmement et ramena sa queue lisse et fournie autour de son corps. Il regarda la lune mais ne poussa aucun hurlement, non, lui, il réfléchissait. L’Asiatique avait prit la direction du lac, s’il suivait ce chemin il passerait forcement devant l’arbre mort, ne serait-ce que pas habitude. Il passait toujours par-là, depuis qu’il était louveteau. Il lui était même souvent arrivé de dormir à l’intérieur de l’arbre creux. Si lui coupait en passant devant la maison du vieux Sam, il devrait couper la route au Japonais au niveau de la clairière des fées, une fois qu’il l’aurait choppé, son poids jouerait forcement pour lui. Tout ragaillardi par son nouveau plan de bataille il se releva et repartit dans une course effrénée, cherchant d’instinct le chemin le plus court. Arrivé là où il le voulait, il attendit patiemment que Heero se montre. Au bout de quelques minutes il commença à douter, le canidé aurait déjà dû apparaître derrière le grand sapin sur sa droite, mais rien. Avait-il choisit de faire un détour ? Ce serait logique, pourtant Trowa était presque sûr qu’il n’en ferait rien, ne serait-ce que pas orgueil. Il commença à remuer et à gronder de mécontentement. Le désir se faisait aussi plus pressant et n’améliorait en rien son humeur. Si Heero avait l’audace de se faire prendre par un autre loup que lui, il les étriperait tous les deux. Il voulait bien jouer à court après moi que je t’attrape mais seulement s’il gagnait. Il se releva, le cou tendu, les babines retroussées, et le poil redressé sur l’échine. Peut-être n’avait-il pas choisit la bonne technique. Wufei avait peut-être raison, il aurait dû tenter le charme et essayer de rassurer Heero au lieu de vouloir s’imposer par la force. Il saisit entre ses dents une branche de sapin à côté de lui, puis la secoua vigoureusement pour passer ses nerfs. Peut-être contrarié d’être traité de la sorte, l’arbre laissa tomber un amas sur le loup qui se retrouva blanc et stupide. Pas très loin, il vit Heero se tortiller dans la neige, ne faisant absolument rien pour se cacher, du moins maintenant, parce qu’il était presque certain que cela devait faire un moment que ce démon l’observait. Son regard brûlant était fixé sur lui, dans un mélange de moquerie et de désir. A priori Heero Yui avait tout de même un peu envie qu’on l’attrape, mais auparavant il voulait faire comprendre à Trowa, que s’il se laissait prendre c’était parce que tel était son bon plaisir, et non parce qu’il le reconnaissait supérieur à lui. Le loup gris acier se laissa tomber dans la neige, faisant voler des flocons et s’amusant avec. Attendrit de voir un comportement si inhabituel chez le Japonais, le plus grand le regardait avec amour. Puis Heero vint se coucher contre le flanc de son compagnon et lui mordilla le bout des oreilles pour l’ennuyer, l’autre se fit un plaisir de lui sauter dessus pour lui montrer qui était le chef, mais il n’y avait plus de rancoeur, ni chez l’un ni chez l’autre. Elle avait disparut avec le côté humain. Peu à peu les deux loups retrouvaient une apparence plus humaine sans pour autant aller au bout de leur transformation. C’était ainsi que les métamorphes s’accouplaient, ni loup, ni humain, à mi chemin entre les deux. Ils ne sentait pas le froid de la neige et des rochers les protégeaient du vent. C’était une étreinte sauvage, à l’image de ce qu’ils étaient mais non dénué d’affection même si la tendresse semblait absente en ce moment précis. Seul le désir et le plaisir semblait avoir une place. Pendant les pèriodes de pleines lunes, les métamorphes n’avait pas une sexualité douce. Eux ne s’en rendait pas vraiment compte, leur organisme et leur nature profonde étaient fait pour supporter cette violence, mais elle aurait été intolérable à un être humain. Morsures et griffures ne lui auraient apporté que souffrance et plaies importantes, c’était la raison pour laquelle on évitait de se mélanger à Wolf lake. Les couples qui avaient dépassé ce tabou étaient obligés de prendre des précautions, et malgré cela des incidents avaient eut lieu aux cours des ans. Parfois le métamorphe retrouvait assez de sang froid pour ne pas faire de mal à l’être aimé, car selon sa nature profonde il était plus ou moins porté sur la violence, mais des histoires d’amour avaient aussi finit tragiquement. Peu à peu les métamorphes qui en manifestaient le désir parvenaient à renfermer leur animal au plus profond d’eux même, si profond qu’il ne se manifestait plus, mais il fallait une grande force de caractère pour cela et un amour sincère. C’était ce que Duo tentait de faire. L’ennui c’est que Duo aimait être un loup, il n’avait jamais rien été d’autre ou presque, chez lui l’état s’était manifesté alors qu’il n’était qu’un nourrisson, faire cela c’était renoncer à une part de lui-même, une part qu’il laisserait s’en aller avec énormément de regret. Mais il pensait que les choses seraient mieux ainsi. Il ne pouvait pas imposer à Wufei de vivre avec un métamorphe, et de se mettre vraiment en danger tous les mois. Mais plus la nuit avançait et plus ces bonnes résolutions avaient du mal à survivre. La transmutation prit bientôt le dessus et Duo se prit à répondre aux hurlements qui venaient de l’extérieure, quelque chose le poussait, une force qui était au-delà de sa volonté. Fou de frustration et empli d’un mal être insupportable, à moitié transformée, la forme humanoïde se jeta sauvagement sur la porte la griffant furieusement. A chaque assaut le loup-garou ignorait la douleur, concentrant toute son attention sur les craquements du bois de l’épais battant. Il entendait le lourd cadenas de l’autre côté, taper comme un gong marquant le temps. Plus la porte résistait et plus il devenait enragé. Les yeux brillants de colère il se tassa sur lui-même grondant de dépit. Il banda tous ses muscles et s’élança une dernière fois contre le panneau qui céda dans un fracas horrible. Il se faufila à l’extérieure ne tenant aucun compte des échardes épaisses comme des doigts. Le nez au vent huma les odeurs. Les flocons tombaient de plus en plus violemment, emportés par les bourrasques. Sans aucune hésitation il prit le chemin de la ferme.
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La lune brillait plus grosse et plus claire que jamais dans le ciel de Wolf lake mais il était de plus en plus difficile de la voir. Peu à peu le vent et la neige devenaient blizzard. Jamais avant cette nuit Wufei n’avait connu un tel déchaînement des éléments. A l’extérieure le seul bruit que l’on entendait encore c’était le chant brutal d’Éole et le craquement des arbres dont les branches ployaient sous tant de force. Les volets claquaient et la porte émettait par moment une sorte de râle sous une rafale plus forte que les autres. Il avait beau savoir la maison particulièrement solide, sa solitude l’angoissait un peu, peut-être un reste de l’histoire des Trois petits cochons que sa mère lui racontait lorsqu’il était enfant. Le loup souffla si fort sur la maison qu’elle s’envola… Mais la sienne était faite de bonnes et vieilles pierres solides. Néanmoins il avait toujours détesté ce genre de temps. A tâtons et en rouspétant, il cherchait la lampe à pétrole afin de pallier la coupure de courant qui avait plongé toute la vallée dans le noir.
« Mais où est-ce que je l’ai foutu merde ! »
Il pestait contre son propre manque de jugement, il aurait dû ranger bien avant cela, ou même sortir ce qu’il fallait lorsque le temps avait commencé à tourner à la tempête. Il ne pouvait s’empêcher de se demandait où était Duo à heure. Il s’inquiétait horriblement depuis que le mauvais temps pliait Woolf lake sous sa domination. Il avait bien essayait d’utiliser ses pouvoirs, mais ils semblaient brouillés cette nuit, comme une boussole prés d’un champ magnétique. Il mit enfin la main sur la lampe et se redressa avec soulagement. Il ne lui restait plus qu’à trouver les allumettes qui devaient se trouver vraisemblablement prés du poele à bois. Se dirigeant grâce à la petite lueur rougeoyante il traversa la pièce mais s’arrêta à mi chemin lorsqu’un bruit étrange se fit entendre. Cela ressemblait à un grattement. Il tendit l’oreille aux aguets.