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CANIS LUPUS
Chapitre 14
Heero finissait sa ronde lorsqu'il aperçut Duo assis dans le parc, seul. En temps normal il n'y aurait sans doute pas prêté attention, l'esprit occupé par ses souvenirs matinaux, mais son ami avait vraisemblablement oublié de s'habiller, ce n'était pas le genre de chose qui passait inaperçue, même à Wolf Lake. Et surtout, malgré la distance, il était facile de percevoir son abattement. Inquiet, il le rejoignit à grands pas, puis s'assit à ses côtés, sur un banc qui faisait face à une marre et un peu plus loin aux bois.
- Duo... Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Ma vie. C'est ma vie qui ne va pas.
Heero soupira.
- Tu n'as pas pu t'en empêcher hein ? Tu lui as dit.
- Ne racontes pas n'importe quoi.
- Et toi ne me prends pas pour un con. A l'heure qu'il est, il est sans doute en profonde catatonie dans sa chambre ou en train de filer vers Seattle aussi vite que le vent.
- Je ne lui ai rien dit. Laisses-le tranquille.
- Je te suggère de rentrer passer des vêtements ou de prendre ta forme animale si tu ne veux pas que je t'embarque pour attentat à la pudeur.
- Si tu lui fais quelque chose Heero Yui, je te tue. Je te jure sur la mémoire de ma mère que je le ferais.
L'Asiatique trouva cette flambée emphatique très amusante.
- C'est beau l'amitié ! Ironisa-t-il.
- Il faut être capable d'éprouver des sentiments pour être l'ami de quelqu'un, et je doute que ce soit ton cas.
Duo n'eut pas besoin de regarder Heero pour savoir qu'il l'avait blessé, et il se sentit honteux. Le Japonais n'était pas responsable de sa déception, ni de sa peine.
- Excuses-moi... Je ne le pensais pas.
- Bah, on m'a fait une remarque similaire ce matin, alors il faut croire que ce n'est pas totalement faux.
- La journée n'a pas l'air bonne pour toi non plus.
- J'ai connu mieux.
- C'est Trowa ? Il ne va pas bien ?
- J'en sais rien. Il avait un comportement agressif ce matin. C'était étrange venant de lui. Il est si calme d'habitude, si réservé.
- Vous vous êtes battus ?
- Non, pas vraiment.
Pour la première fois depuis qu'il le connaissait, Duo vit son ami détourner les yeux, comme s'il était gêné. Ce comportement inhabituel l'alarma.
Devant Trowa, Heero avait essayé de rester fort et de sauver les apparences, mais à présent, il trouvait cela plus difficile. Il n'éprouvait pas les émotions que l'on prêtait habituellement aux victimes de viol, il ne se sentait pas sale ou apeuré, mais plutôt trahi. Le fait que Trowa puisse lui infliger de la souffrance, morale ou physique, le ramenait roder trop près de souvenirs qu'il souhaitait oublier : Les espoirs déçus d'un petit garçon qui voulait juste que son papa et sa maman l'aiment. L'amour et la souffrance étaient-ils intrinsèquement liés ?
- Heero ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu lui as fait du mal ?
Le ton de Duo n'était pas vraiment accusateur mais le doute et le reproche y était tout de même perceptible. Heero se sentit trahi pour la seconde fois ce matin là.
- Finalement c'est ce que vous pensez tous de moi ? Si l'un de nous deux a fait du mal à l'autre c'est forcement moi. Heero n'a pas de sentiment, Heero ne ressent rien.
Le Japonais se leva sous le regard peiné de son ami qui réalisait qu'il venait de se montrer injuste et stupide. Très stupide. Il savait pourtant qu'il ne fallait pas se fier aux apparences et encore moins au qu'en-dira-t-on.
- Je suis désolé Heero.
- Ça me fait une belle jambe !
Heero lui tourna le dos pour rejoindre sa voiture.
Wufei n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé depuis que Duo avait passé la porte. Il s'était contenté de resté là, bêtement avachi sur le sol, l'esprit vide, comme si un énorme court circuit avait effacé toutes les données. Puis soudain il réalisa qu'il fallait qu'il bouge et vite. S'attarder à Wolf Lake ne lui semblait pas une bonne idée. Il rassembla à la va-vite ses quelques affaires et sorti en trombe de la ville, espérant oublier jusqu'à son existence. Mais au fur et mesure qu'il s'éloignait, il avait de plus en plus l'impression de commettre une erreur monumentale. C'était un sentiment qui s'insinuait sournoisement, prenant possession de son corps comme un virus. De temps à autre il regardait par dessus son épaule, inquiet. Il avait du mal à croire qu'on le laissait partir aussi facilement. Alors qu'il reportait son attention sur la route, un daim jaillit des fourrés juste à quelques mètres devant lui. Wufei décéléra autant qu'il le put tout en déviant sa trajectoire. La moto perdit son équilibre et finit son chemin dans le fossé. L'Asiatique se redressa en position assise, ôta son casque puis constata avec soulagement qu'il ne semblait pas s'être cassé quoique ce soit. En tournant la tête, il vit sur le côté, l'animal qui le regardait du haut d'un petit monticule. Il se déplaça avec grâce et Wufei ne put s'empêcher de le suivre des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse dans les bois. Il avait eu encore une fois beaucoup de chance. Il voyait la route mais des herbes le dissimulaient d'éventuels automobilistes. S'il avait été blessé, il aurait pu rester là des heures, à agoniser dans le froid. Seul. Seul alors que Duo l'aimait au point de partager son secret et de vouloir vivre à ses côtés.
- Ce que je peux être con !
Comme si le ciel acquiesçait, les premiers flocons de la saison se mirent à tomber, fêtant une prise de conscience tardive. Peu à peu il comprenait l'étendu de sa cruauté. Ce n'était pas agréable de se retrouver face à soi même et de découvrir une personne que l'on aimait pas. Duo était venu à lui avec les plus beaux des présents, amour et confiance. Comment avait-il pu le considérer comme un monstre ou une aberration de la nature ? Qu'est-ce qui lui permettait de juger ? De décider de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas ? De ce qui doit exister et de ce qui ne devrait pas être ? Ces créatures n'étaient-elles pas en droit de penser la même chose du genre humain ? Y avait-il plus de gloire à être un homme que n'importe qu'elle autre créature ? Non. Il n’y en avait aucune. Néanmoins malgré ce fil de pensée le jeune homme n'arrivait pas à prendre la décision de retourner en ville. Il souhaitait voir Duo pour lui demander pardon, mais la peur subsistait. Que se passerait-il avec les autres ? Finalement, puisqu'il ne savait où aller L'Asiatique se dit qu'il pouvait aussi bien rester dans son fossé, le temps d'y voir plus clair. Il observa le paysage alentours et aperçu un peu plus loin le chemin qui menait jusqu'à la fameuse maison Jenkins, il se trouvait donc à la limite du comté. Il sourit, avec dérision. Peut-être était-elle vraiment hanté au bout du compte ? Il y avait bien des loups-garous à Wolf Lake !
Quatre releva la tête des documents qu'il était en train de consulter pour s'assurer de l'heure. Onze heures et trente minutes. Il enclencha son interphone pour s'adresser à sa secrétaire.
- Vous avez pu joindre monsieur le maire ?
- Non. Cela ne répond ni chez lui ni à son travail, et son portable semble éteint.
- Merci. Ressayer encore s'il vous plaît.
Le jeune homme commençait à s'inquiéter. Treize ne manquait jamais un rendez-vous, qu'il soit d'affaire ou personnel. Deux heures de retard sans même prendre la peine de prévenir c'était inconcevable pour quelqu'un d'aussi pointilleux. Et puis Treize Kushrénada était toujours joignable, de jour comme de nuit.
Heero, attablé au snack-bar, avait vu le journaliste enfourcher sa moto. Son visage était défait et son regard sombre égaré. Le Japonais avait hésité, puis sans savoir pourquoi il l'avait laissé partir. Depuis il se demandait s'il avait eu raison ou pas. A son troisième café il décida qu'un peu de paperasse lui occuperait l'esprit.
Il pénétra dans le poste de police et anxieux observa ses collègues placés en rang d'oignons devant son bureau qu'ils dissimulaient. Un sourire moqueur étirait leurs lèvres, surtout celles de Zech.
- Je peux savoir ce qu'il y a de comique ?
Étrangement son air rébarbatif sembla glisser sur eux comme la rosée du matin sur les feuilles. Ils s'écartèrent juste du bureau, découvrant par ce geste un magnifique bouquet de roses rouges aux pétales veloutés.
- On se demandait qui avait le courage de t'envoyer des fleurs sans craindre que tu les lui fasses bouffer. Se moqua Zech.
- Il y a un mot. Rajouta Ben. C'est mademoiselle Garson en personne qui les a livrées.
- Et il y a aussi une boite de chocolat. Ricana Matt. Ce mec est sûrement suicidaire. Même à la saint valentin personne n'a jamais osé prendre ce risque.
- Vous n'avez pas lu le mot puisque cela vous intéresse tant ?
- Hé ! Pour qui tu nous prends s'offusqua son supérieur ?
- Croyez moi vous ne voulez pas le savoir. Aller barrez vous les commères.
Heero, très calme s'installa derrière son bureau puis ouvrit la carte. "Pardon". Juste un mot qui disait tant par son apparente solitude.
- Alors ?
- Qui c'est ?
- Reste pas avec ce sourie béat ça me fait peur. Conclut Zech.
Heero les ignora complètement, la bouche pleine d'un délicieux fondant à l'orange. C'est seulement après en avoir englouti les trois quarts de la boite qu'il eut la surprise de voir apparaître Wufei dans l'encadrement de la porte. Il ne s'attendait pas à le revoir aussi vite. Il était décidément très surprenant, et Heero aimait bien être surpris. Le Chinois affichait un air faussement décontracté qui semblait hurler : Je ne suis pas du tout au courant que vous êtes des loups-garous. Il les regardait tous de manière suspicieuse se demandant apparemment qui était humain et qui ne l'était pas, mais n'était-ce pas une curiosité légitime ? Surtout pour un journaliste. Zech s'approcha de lui, la main tendue. Wufei la serra avec un sourire un peu crispé.
- Nous pouvons faire quelque chose pour vous ?
- Je crois qu'il y a des braconniers dans la maison Jenkins.