Auteur : Liam63
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Canis lupus
Chapitre 17

Au bout de plusieurs minutes Wufei se releva, la tête basse.

- Désolé. Il ne se passe toujours rien. Je vous jure que j'essaye, repris le Chinois, que j'ai réellement envie de le sauver...

Un silence pesant suivit ses paroles. Des regards s'échangeaient pour chercher du réconfort ou une idée chez l'autre.

Il ne savait pas exactement pourquoi mais Wufei se sentait coupable. Peut-être parce que Duo, assis à même le sol, près du lit, la tête posée sur le matelas, à quelques centimètres de celle du loup, paraissait effondré à l'idée de perdre Treize. Il ne regardait personne et ne parlait pas, comme s'il était seulement perdu dans l'autre. C'est sans doute à ce moment là que Wufei compris que les deux hommes avaient été plus qu'un père et un fils, il n'aurait su dire pourquoi exactement il le savait, mais cela lui apparaissait comme une évidence. Il se sentit furieusement jaloux mais également désolé pour eux. Il vint s'accroupir près du jeune homme et posa une main réconfortante sur son épaule. Duo l'ignora délibérément et Wufei se senti rejeter. Il n'était pas ce que le jeune homme attendait de lui, il le décevait... S'il avait cru comprendre auparavant ce que Duo avait éprouvé ce matin lorsqu'ils s'étaient quitté, il avait maintenant le loisir de se rendre compte qu'il n'en n'était rien. C'était beaucoup plus douloureux, on se sentait vide et sans valeur. Sans bien savoir s'il en avait le droit il caressa les longues mèches châtaines qui dévalaient son dos comme une rivière en crue. Malgré son orgueil il eut envie de supplier. Il ne l'avait pas fait tout à l’heure devant les menaces mais il était près à le faire maintenant pour un geste d'affection. Une exclamation de Trowa les fit tous sursauter.

- Ce n'est pas possible d’être aussi bêtes !

Trowa les regarda tour à tour.

- Il communique avec l'esprit de la forêt !

- Ca nous le savons. Ironisa Zech. Mais il ne semble pas...

Quatre posa la main sur le bras de son petit ami pour l'interrompre.

- Non. Trowa a raison. C'est tellement évident.

- La terre... Murmura Heero.

- Et l'arbre. Conclu Duo.

Wufei se releva, un peu contrarié qu'on l'ignore.

- Ca vous dérangerez de m'expliquer.

- Oui bien sûr, reprit Quatre. Nous sommes désolés Wufei, nous t'avons demandé de faire quelque chose que tu étais incapable de faire ici. Un Lien tire sa force de la nature puisqu'il la tire de l'esprit de la forêt. Dans cette maison tu es coupé de la Terre nourricière.

- Ha.

Il ne voyait pas d'autre commentaire à apporter. Il vit avec stupéfaction Duo soulever Treize comme si malgré sa taille il n'avait pas pesé d'avantage qu'une boite de gâteaux. Cela lui rappela la facilité avec laquelle Heero avait lui-même porté Trowa quelques jours auparavant.

- On y va. Déclara le Japonais.

- Heu, dans la forêt ? En pleine nuit ? Interrogea Wufei.

Duo lui offrit un sourire sarcastique.

- Tu as peur des grands méchants loups peut-être... Ho mince, mais je crois bien que tu es déjà en leur compagnie !

- Très drôle. Tu présentes aussi des numéros de cirque ? Je rappelle au brillant canidé que tu es que je ne suis qu'un pauvre humain qui ne voit pas la nuit.

Quatre s'interposa physiquement entre les deux hommes pour qu'ils cessent de s'envoyer des regards venimeux.

- Je crois que ça ira même pour toi. La nuit est Claire ce soir, la lune est dégagée. Et je te guiderais si c'est nécessaire.

- Je suppose que vous demander si vous avez une lampe de poche serait idiot.

- Il doit y en avoir une dans la boîte à gant de la voiture de service. Je la prendrais en passant proposa Zech.

La petite troupe quitta la maison et se dirigea vers les bois, à quelques mètres à peine, sous le regard des loups qui attendaient dehors. Wufei avait beau savoir qu'il ne risquait rien, il trouvait le bruit de leurs déplacements et leurs ombres mouvantes inquiétants.

Duo repoussa du pied la fine couche de neige qui recouvrait le sol puis déposa Treize. Il s'installa à ses côtés pour prendre sa tête sur ces genoux, mais Trowa lui fit signe de s'éloigner.

- Je crois qu'il est préférable que seul Wufei soit en contact avec lui.

Le Chinois, déterminé, s'agenouilla encore une fois près du loup. Il ferma un instant les yeux pour essayer de se détendre, et surtout oublier "qu'il se les gelait abominablement". Sans savoir pourquoi il faisait cela exactement, il posa l'une de ses mains à la base de la tête de l'animal et l'autre sur le tronc de l'arbre immense qui se dressait à ses côtés. C'était des gestes qui semblait inscrit quelque part dans ces gènes, une sorte de mémoire qui ne lui appartenait pas vraiment, et qui malgré tout était sienne. Zech, Quatre, Heero, Trowa et le docteur Gordon s'étaient un peu éloignés et observaient la scène avec attention, guettant la moindre évolution. Sans que quoique ce soit fut visible, ils sentirent tout de même un changement dans l'air, comme une vibration, ou une musique trop lointaine pour que l'on puisse la reconnaître et en saisir toute la beauté.

*Je vous en prie, si j'ai le moindre don, pensa-t-il, faites que ça marche... aidez-moi. Cet homme ne doit pas mourir, il est trop important pour les siens, de sa vie dépend le fragile équilibre de la meute...* * Qu'es-tu prêt à donner en échange ?* Wufei sursauta. Il savait que cette voix ne s'était adressée qu'à lui, que sa résonance n'était qu'intérieure et non produite par de quelconques cordes vocales. *Que voulez-vous ?* * Ta vie. Consens-tu à me la donner ?* Wufei frissonna. On lui demandait un prix élevé pour un homme qu'il ne connaissait pas. Mais sa vie avait-elle de la valeur comparée à la sienne ? Il n'était nécessaire à personne, alors que Treize était le guide de toute une communauté. Peut-être était-ce aussi l'occasion de faire vraiment quelque chose de bien au moins une fois dans sa vie. *Je consens. Avant... Puis-je vous demandez pourquoi moi ?* * Cela a été décidé avant ta naissance, lorsque ta mère est venue ici*. *Ma mère est venu à Wolf Lake ?* * Oui. Ta venue n'est pas un hasard, je t'ai appelais, je savais que tu m'entendrais parce que cela était inévitable. Je suis toi et tu es moi.* *Je ne suis pas très sûr de comprendre.* * Plus tard*. *Plus tard je serais mort.* *La mort n'existe pas pour la nature. Il est temps à présent, son organisme ne résistera pas si nous n'ôtons pas ces toxines de son corps*. *On y va alors.*

Au départ Wufei ne sentit presque rien c'était comme si un courant léger passait en lui, occasionnant une sensation de fourmillement. Puis le courant se fit de plus en plus froid, jusqu'à devenir glacé. Il sentit sa tête tournée et fut saisi de violentes nausées. Il vacilla mais ne s'écroula pas. Ce n'était pas encore le moment de se laisser aller. Son crâne se mit à le faire souffrire comme si des milliers de sabots de chevaux raisonnaient dans des rues pavées. Sa respiration se fit plus difficile. Il lui sembla entendre des voix mais sans comprendre le sens de ce qu'elles disaient. L'une d'elle paraissait être celle de Duo. Il criait... Mais quoi ? Wufei avait l'impression qu'un épais brouillard enveloppait son corps et son esprit, le coupant du monde. Il ressentit une violente douleur dans la poitrine. Puis plus rien... Il se sentit léger, comme une plume emportée par le vent...

Heero et Trowa retenaient Duo qui se démenait comme la bête sauvage qu'il pouvait être. De fureur, il mordit Trowa à la main pour l'obliger à céder. Celui-ci grogna de douleur mais ne le lâcha pas. Quatre se précipita au devant de lui.

- Arrêtes Duo ! Nous ne savons pas ce qui risque de se passer si nous interrompons le processus maintenant. Sois réaliste nom de Dieu !

- La vérité c'est que vous n'en avez rien à foutre qu'il meurt !

- Ce n'est pas vrai. Souffla Heero. Mais là si on intervient, on risque de faire plus de mal que de bien.

- Réfléchis, Reprit Trowa. Aucun Lien n'est jamais mort de cette manière. Ils vivent vieux. L'esprit à attendu un temps infini avant que n'apparaisse une personne à nouveau capable de communiquer avec lui, il ne mettrait pas sa vie en danger.

- Mais ce n'est peut-être pas une force consciente ! S'énerva Duo. Peut-être que Wufei ne s'y prend pas comme il faut...

- Je te rappelle que c'est une idée à toi. Répliqua Zech. Il est trop tard pour changer d'avis maintenant. Tu pourrais les tuer tous les deux !

Quatre jeta à son amant un regard acéré qui lui promettait des moments difficiles lorsqu'ils seraient rentrés. Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais le corps de Wufei se détacha de l'arbre et du loup pour s'écrouler dans la neige. Heero et Trowa lâchèrent Duo que se précipita vers le Chinois pour le prendre dans ses bras. Le docteur Gordon examina Treize qui commençait à remuer et à gémir. L'animal ouvrit les yeux puis se redressa avec difficulté, épuisé.

- Je crois qu'il va bien. Il a juste besoin de repos. Nous allons refaire des analyses pour nous en assurer.

De son côté Trowa examinait Wufei.

- Sa tension est très basse et sa température bien au-dessous de la normale.

Portes le vite à l'intérieur. Heero occupe-toi de Treize. Nous devons les ramener au chaud.

- Il faut peut-être le laisser en contact avec la terre un peu plus non ? Interrogea Duo. Il a sans doute besoin de ça pour aller mieux comme il en a eu besoin pour soigner mon beau-père...

-S'il reste là c'est l'hypothermie assurée.

-Nous pourrions faire comme l'ours, nous transformer et le réchauffer de nos corps.

Trowa réfléchit quelques secondes et pensa que ce serait idiot de négliger la proposition de Duo. Elle était tout à fait réaliste.

- Ok. Tu as raison.

Finalement seuls Heero et Quatre se précipitèrent vers la maison avec Treize et le docteur Gordon. Le Japonais nota, non sans humour, que Trowa recommençait à donner des ordres, et que personne, pas même son patron, n'avait cherché à lui discuter son autorité. Elle semblait une chose acquise pour tous.

Zech prit un instant pour s'adresser aux loups qui les entouraient.

- Ca va aller maintenant. Notre chef va mieux.

Des hurlements éclatèrent dans la nuit. D'autres en villes et dans les campagnes leurs répondirent. C'était une symphonie inquiétante pour une oreille étrangère. Empreinte de mystère, dans un paysage que l'alliance de la neige et de la lumière sélène colorait d'une magnifique teinte argentée.

Zechse transforma pour rejoindre Duo et Quatre près de Wufei. Deux autres loups, désireux d'aider, sortirent des buissons pour se joindre à eux.

Duo installa Wufei dans sa chambre. Il l'allongea sur le lit avec délicatesse puis le recouvrit de ses couvertures. Trowa en prit d'autres dans l'armoires et les rajouta. Il relança également le feu dans la cheminée. L'état de Wufei ne s'était en rien amélioré dehors et malgré le barrage de leur corps couverts de fourrure sa température avait refusé de remonter. Inquiet, et voyant qu'il n’y aurait aucune amélioration ils avaient ramené le Chinois dans la maison.

- Qu'est-ce qu'il a ?

- A priori c'est juste de l'épuisement. L'état de Treize était critique. En fin de compte dans ce genre de processus le Lien est une sorte d'antenne. Il emmagasine la maladie puis la transmet à l'arbre qui la renvoie à la terre. Là elle est neutralisée.

- Treize était mourrant et c'est un loup-garou résistant... Wufei n'est qu'un humain...

Trowa soupira. C'était bien ce qui l'inquiétait mais il refusait de le montrer à son ami.

Duo passa une main affectueuse sur le front et la joue du Chinois.

- Je suis si désolé mon coeur de t'avoir imposé cela... Si désolé... Et si son organisme ne résistait pas ?

- Je crois que dans ce cas l'esprit de la forêt aurait refusé d'intervenir. Il n'utiliserait pas Wufei au risque de le détruire.

Mais malgré ces paroles réconfortantes les journées passèrent sans que Wufei ne se rétablisse. Treize en revanche était sur pieds deux jours plus tard. Il hésita puis finalement avec l'accord de tous décida qu'il valait mieux transférer Wufei à l'hôpital. Là, Sally pourrait lui apporter les soins nécessaires à son état. Duo resta nuits et jours, personne ne pu le convaincre de laisser Wufei ne fusse qu'une minute. Le docteur Gordon avait émis l'hypothèse que peut-être le jeune homme n'avait pas été en mesure d'éliminer tout le mal que son corps avait accumulé en lui, mais cela n'était d'aucune utilité pour Sally. Elle ne pouvait que constater que la santé de Wufei semblait déclinante. Les analyses ne révélaient rien de particulier et n'indiquaient donc pas comment le soigner. Elle se sentait furieuse, inutile et par conséquent frustrée. C'était un cas qui dépassait de loin la médecine. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était maintenir son organisme autant que possible.

Les premiers jours beaucoup de personnes étaient venues à l'hôpital pour prendre des nouvelles, mais il avait fallut interdire les visites. Seul Duo avait été autorisé à rester et Treize à passer tous les jours. Peu à peu ses visites s'étaient espacées et son beau-fils lui en tenait rigueur. Comment pouvait-il délaisser Wufei alors qu'il lui avait sauvé la vie ?

Ce n'est que cinq jours plus tard qu'il comprit son erreur. Treize, malgré l'interdiction de visite arriva avec Heero, Quatre et Trowa. Ils lui expliquèrent qu'ils avaient travaillé d'arrache pied afin de regrouper tous les écrits qu'avaient pu laisser les Liens précédents : Lettres, journaux intimes, registres... Ils avaient fouillé la bibliothèque, étaient passé de maison en maison pour voir qui conservait quoi, puis une fois les documents réunis, ils les avaient étudiés. Aucun ne faisait mention d'un affaiblissement ou d'une mort à cause de la guérison d'un membre de la meute. En fait les Liens semblaient avoir une espérance de vie d'une moyenne de cent ans. Leurs seules obligations étaient de respecter la nature, de soigner les métamorphes et les animaux lorsque la médecine naturelle en était incapable, et de faire une retraite de trois jours au coeur des bois une fois l'an. Là, se trouvait un cercle construit de pierres, sur lesquelles étaient gravé différents symboles très anciens. C'était le centre énergétique de la région. Le Lien restait assis en son centre, en méditation, sans nourriture et sans visite. Il avait le droit à un peu d'eau et à quelques herbes à fumer qui pouvait favoriser la communication avec son environnement. D'après les écrits cela assainissait le corps et l'aura.

- Peut-être devrions nous le conduire la bas. Finit par proposer Treize après avoir exposé leurs découvertes à Duo.

- Il n'est pas en état, il mourra de froid. De plus c'est un lieu sacré, il est le seul à pouvoir y pénétrer.

- La situation étant particulière, nous pourrions rester avec lui et le réchauffer comme vous avez essayé de le faire la dernière fois. Ce n'est pas à proprement parlé une retraite spirituelle... Donc je ne pense pas que nous enfreignions une quelconque règle en demeurant à ses côtés.

Duo secoua la tête, un peu égaré.

- Je ne sais pas... Je ne sais plus ce qu'il faut faire. Je n'aurais pas dû l'obliger à faire cela... J'ai tellement eu peur de te perdre que je n'ai pas réalisé que je mettais Wufei en danger... Cela semblait si facile pour lui dans la forêt, il ne s'en est même pas rendu compte ! En quelque seconde je n'avais plus du tout mal.

- Tu n'avais qu'une épaule déboîtée. Souffla Quatre. Treize était mourant.

- C'est vrai, et je n'aurais pas dû le menacer pour l'obliger à le soigner.

Heero afficha un sourire narquois.

- Alors là tu m'excuseras mais je pense qu'il a prit sa décision tout seul. Je doute que tes grognements de Yorkshire caractériel l'aient tant impressionné. Je ne prétends pas le connaître aussi bien que toi, mais il me semble qu'il a un grand respect pour la vie de toute créature, et il est suffisamment intelligent pour avoir tout de suite compris la réelle importance de Treize dans la meute. Moi je suis persuadé qu'il a prit sa décision en toute connaissance de cause. A un moment il s'est forcement rendu compte que son état s'aggravait. Maintenant ou bien nous restons là, à le regarder s'étioler, ou bien nous nous bougons le cul et nous tentons de l'aider. La dernière chose dont il a besoin c'est que tu pleurniches sur ta culpabilité.

 

A suivre...

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