Auteur : Liam63
E-mail : liam63@tiscali.fr
Base : Gundam Wing
Disclaimer : Rien n'est à moi.

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CANIS LUPUS

 

Prologue

 

Épuisé, Wufei s'étira sur sa chaise et passa une main réconfortante sur son cou douloureux. Il ferma les yeux dans l'espoir d’atténuer une migraine de plus en plus agressive mais sans grand succès. Son article était enfin bouclé et après une dernière relecture il pourrait l'envoyer au journal par e-mail. Il regarda l'écran d'un oeil morne puis décida que cela pourrait bien attendre encore un peu, juste le temps d'absorber une aspirine. Il se dirigea d'un pas las vers la salle de bain, et chercha dans les tiroirs d'un meuble en formica blanc le cachet salvateur, unique survivant de la boite. Dans l’espoir d’accélérer ses bienfaits, il revint s'allonger sur le vieux canapé beige du salon, afin se détendre. Il savait bien que ce dont il avait vraiment besoin c'était de changer d'air et non d'un comprimé qui ne ferait qu'anesthésier la douleur pendant quelques heures. Dans cette ville bien trop grande et dans ce studio bien trop petit, il se sentait étouffer. Il avait beau essayé d'oublier les murs ternes, les voisins bruyants et la plomberie défaillante, il ne pouvait ignorer que cet habitat décrépi n'était que le reflet de ses échecs. Échecs dû à son mauvais caractère, à son intégrité et à sa trop grande franchise. Il avait choisi ce métier comme on entre en religion, nourri d'un idéal. Wufei vénérait la Justice avec un grand J et son jeune âge empêchait alors toute idée de compromis. Lorsqu'il avait mis à jour certaines manoeuvres politiques illégales et scandaleuses, il s'était précipité au journal pour rédiger son article, il se voyait déjà réparer les tords fait à de pauvres gens et envoyer les criminels en prison. Mais ses écrits n'avaient jamais passé le filtre de la censure qu'exerçait le directeur. Le Chinois avait tempêté, menacé, et aujourd'hui, malgré son talent plus que certain, il se retrouvait scribouillard dans un mensuel minable, en quête de pseudo phénomènes paranormaux. Il avait appris une dure leçon sur la vie : Les puissants s'en tirent toujours quels que soient leurs crimes. Les petits sont écrasés comme des nuisibles, leurs vies n'ont aucune valeur. Les preuves avaient disparu avant qu'il ne puisse les remettre à la police et le témoin gênant aussi...
Désabusé, il se redressa pour contempler la ville. La nuit enveloppait la métropole de son voile sombre et froid de novembre, mais contrairement aux autres, il trouvait cela rassurant. L'hiver qui s'annonçait ne le gênait pas, bien au contraire, et il appréciait l'obscurité, il s'en dégageait une certaine nostalgie qui ne le laissait jamais indifférent. Il aurait bien aimé pouvoir admirer les étoiles comme il le faisait dans son enfance, lorsque son grand-père lui apprenait le nom des constellations. Mais ici, la pureté des corps célestes disparaissait derrière l'opacité d'un nuage de pollution. Tout dans cette ville lui semblait désormais entaché et flétri. Il était bien loin de la joie et de la fierté qu'il avait éprouvé voilà quelques années en venant s'installer "dans la grande ville". Ses diplômes en mains il venait en conquérant, certain de ce que serait sa vie. Il l'avait planifié avec tant d'acharnement. Et cette nuit il songeait de plus en plus sérieusement à accepter cette enquête ridicule que lui avait suggéré son rédacteur en chef, juste pour fuir loin d'ici, même quelques jours... Après tout, cet article ne serait pas ce qu'il aurait écrit de plus ridicule ces deux dernières années. Il posa un regard presque ironique sur l'écran de son portable, où l'article sur le Sasquatch(1) attendait toujours qu'il veuille bien se décider. Se rendre à Wolf Lake... Juste pour respirer l'air pur des immenses forêts de conifères, pour voir autre chose que des murs gris, des voitures multicolores et des gens pressés ; libérer enfin son esprit de la rancoeur et de la lassitude qui empoisonnaient sa vie. Oublier que Meiran était morte dans un accident survenu bien à propos, pour sauver "les miches de cette garce hypocrite de Lady Une". Il haïssait cette femme comme il n'avait jamais haï qui que ce soit dans sa vie. Dès qu'elle pénétrait par effraction dans ses souvenirs, il éprouvait le violent désir de la saisir par les cheveux et de cogner sa tête contre le bitume jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'une bouillie infâme et qu'il puisse enfin sentir l'odeur écoeurante de son sang. Il se redressa avec brusquerie pour chasser de son esprit cette obsession morbide. Il s'assis devant son portable, corrigea deux ou trois détails sur son article afin de le rendre plus crédible, puis, sans se donner l'occasion de changer d'avis, il rédigea un e-mail pour accepter le reportage qu'on souhaitait lui confier. Il fallait qu'il parte, qu'il s'éloigne d'ici avant de devenir un meurtrier. Tuer Lady Une ne ramènerait pas sa cousine. Et surtout il se refusait à déshonorer sa famille et à renier les valeurs qu'on lui avait enseignées. Que disait son grand-père déjà ? Ha oui... "Si quelqu'un t'a fait du mal ne cherche pas à te venger ; assieds-toi au bord de la rivière et, bientôt, tu verras passer son cadavre." Un sage citation sans nul doute. Le vieil homme en avait des dizaines comme cela, une pour chaque événement ou presque. Toutes les vacances de Noël que Wufei avait passé près de lui avaient été riches d'enseignements de toute sorte, et de bonheur aussi... S'il était encore de ce monde il se serait réfugié à ses côtés, mais ce n'était plus le cas. Plus de grand-père pour le consoler, plus de maison au bord de la rivière pour apaiser ses colères, plus d'abris pour se réchauffer... Il lui restait bien ses parents mais ils ne s'entendaient guère avec eux. Il avait quitté le domicile familiale le jour même de sa majorité sous les cris d'une mère enragée qui lui reprochait son ingratitude alors qu'elle l'avait élevé comme son propre fils. Wufei espérait bien que tout les fils n'aient pas eu à supporter une mère alcoolique et un père rigide comme un adjudant et affectueux comme une pierre. Finalement Wolf Lake lui apparaissait comme la solution à son mal être. Avec un peu de chance, cette ville qui n'était pour l'instant qu'un point sur une carte, lui permettrait de se ressourcer.

A suivre...

(1) bigfoot

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