Auteur : Liam63
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Disclaimer : Rien n'est à moi.

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CANIS LUPUS

Chapitre I
Premières impressions

 

Le lac apparut, majestueux, au détour d'un virage. La vaste étendu de couleur argent scintillait dans le clair-obscur, et un peu plus bas, dans la vallée, le Chinois devinait les lumières de la ville. L'astre lunaire baignait le paysage dans une clarté vaporeuse, à la fois magnifique et empreinte de mystère. Un halo presque laiteux cernait les habitations jusque très loin dans les collines. Même ici, la brume serpentait entre les arbres, s'étendait sur le sol et donnait l'impression que celui-ci perdait de sa consistance. Inconscient du danger que cela représentait, Wufei avait arrêté sa moto au milieu de la route, le regard fixé sur le panneau "Wolf Lake". Il resta ainsi, un temps indéfini, pendant lequel toute pensée cohérente le déserta. Il écoutait le vent caresser la cime des grands arbres et quelques gouttes de pluie s'écraser de-ci delà suite à une averse conséquente. De temps à autres, le craquement d'une branche sèche, le hululement d'un hibou ou le froissement des aiguilles de pins sur le sol le faisait sursauter. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas entendu d'autres sons que ceux des klaxons et des gens qui hurlent. Fasciné à la vue d'une beauté si troublante, il éprouvait la sensation singulière, que le simple fait de pénétrer dans cette ville, pourrait bien changer sa vie de manière radicale. C'était une impression diffuse, que son grand-père avait coutume d'appeler tout bêtement le sixième sens. Sans être convaincu de l'existence d'une telle perception des choses, Wufei devait bien admettre, que s'il avait écouté plus souvent, aussi bien son aïeul que son instinct, il se serait peut-être épargné bien des désagréments. Fourbu, il inspira l'odeur revigorante qu'exhalaient les pins alentours. Le trajet pour arriver jusqu'ici s'était révélé long et harassant. Il n'était que vingt deux heures trente mais il ne rêvait plus que d'un bon repas et d'un lit confortable. Il se remit en route, puis se dirigea vers le centre ville où il espérait bien trouver un hôtel bon marché et un restaurant qui accepterait de le servir malgré l'heure un peu tardive. Quelques minutes plus tard, il garait son véhicule devant une enseigne lumineuse bleu et rouge qui indiquait le gîte et le couvert. Lorsqu'il pénétra dans l'immense pièce, il constata que la plupart des tables étaient occupées, et que bon nombre de clients dévoraient encore leur cuisse de poulet ou leur steak avec un enthousiasme frôlant la gloutonnerie. Wufei plissa son nez, dégoûté devant une telle orgie de viande. Il jeta un coup d’œil circulaire, puis s'installa à une table un peu à l'écart, comme il en avait l'habitude. Il posa son sac de voyage à ses pieds et sa veste sur le dos d'une chaise. D'après la décoration, le propriétaire était un fervent admirateur des années cinquante, l'endroit avait un petit côté démodé qu'il ne trouvait pas déplaisant. Une jeune fille de taille moyenne, avec de magnifiques cheveux cours presque aussi sombres que les siens, un sourire mutin et un délicieux petit uniforme jaune pâle s'approcha de lui, un bloc à la main. Wufei saisit la carte sur la table et la parcouru des yeux.
- Bonsoir. Vous avez choisi ?
- Vous n'avez pas de menu végétarien ?
- Végétarien ! Elle gloussa et il la trouva tout de suite moins sympathique. Non. J'ai bien peur que vous ne trouviez pas cela à Wolf Lake. Je peux vous proposer une garniture de légumes ou de la laitue si vous voulez.
- Donnez-moi une salade et un morceau de tarte à la mélasse ça ira.
- Vous êtes sûr ? Nous sommes très réputés pour nos fabuleuses côtes de bœuf.
- Sans façon.
- Alors des oeufs...
Wufei sourit pour la première fois depuis très longtemps. La jeune fille semblait prendre comme un affront personnel le fait de ne pas lui offrir un menu décent.
- D'accord. Deux oeufs au plat.
- Et comme boisson ? Un Coke, une bière ?
- De l'eau.
- Vous êtes un fêtard vous !
- Quelqu'un qui prend soin de sa santé.
- Je vois...
Elle se dirigea vers les cuisines d'un pas dynamique et il profita de l'attente pour observer un peu plus attentivement la salle. Quelques jeunes gens jouaient au billard, d'autres écoutaient de la musique près d'un vieux juke-box très pittoresque, deux ou trois couples se bécotaient, et un mélange hétéroclite occupait le bar. C'était une atmosphère bon enfant, ponctuée de rires, dont la plupart provenait de quelque part sur sa droite, un peu en retrait. Curieux, il se retourna pour apercevoir la table en question. Son regard accrocha alors deux prunelles améthyste emplies d'une lueur si affamée qu'elles le mirent mal à l'aise. Wufei trouvait toujours très flatteur d'être désiré, que ce soit par un homme ou par une femme, mais il n'appréciait guère la manière indécente qu'avait ce jeune homme de le reluquer, il affichait une assurance présomptueuse qui lui déplaisait fortement. Pour bien le lui faire comprendre, il lui décocha son regard le plus noir puis quitta cette mer déchaînée pour se couler dans les eaux plus calmes d'une douce couleur émeraude. Le propriétaire de ces deux joyaux affichait une moue franchement moqueuse mais destiné à son ami et non au Chinois. Dans son sourire il était possible de lire "vieux tu viens de te prendre le râteau du siècle", Wufei en déduisit que le playboy n'avait certainement pas l'habitude qu'on lui résiste. Deux autres personnes leurs faisaient face, pour lui, elles étaient donc de dos, et il ne distinguait rien d'autre qu'une masse de cheveux de couleur brune qui devait donner de vraies dépressions nerveuses à son peigne, et quelques mèches dorées qui appelaient la caresse tant elles semblaient soyeuses. Il se détourna afin de ne pas paraître impoli, puis, pour passer le temps, il nota dans un calepin qu'il sortit de la poche de son blouson en cuir noir, ses premières impressions sur Wolf Lake. La jeune serveuse revint quelques minutes plus tard et déposa son assiette sur le côté. Elle regarda les quelques lignes qu'il avait griffonné avec une indiscrétion qu'elle ne chercha même pas à dissimuler.
- Vous êtes écrivain ou un truc comme ça ?
- Je suis journaliste. Je suis ici pour écrire un article sur la ville.
- C'est un trou il n'y a pas grand chose à raconter.
- Je n'en ai pas encore vu grand chose mais ça semble pourtant un bel endroit pour le tourisme.
- Vous croyez ? Peut-être... En tout cas les gens restent rarement plus d'un jour ou deux.
- Pourquoi à votre avis ?
Elle haussa les épaules.
- Ils s'ennuient je suppose. Bon il faut que je retourne travailler sinon le patron va encore m'engueuler, il prétend que je passe mes soirées à bavarder. Au fait je m'appel Hilde.
- Chang Wufei.
- Et bien bon appétit monsieur Chang.

De l'autre côté de la salle un jeune homme triturait le bout de sa natte et contemplait Wufei comme s'il n'avait rien vu de plus beau depuis une éternité.
- Ce type est fou de moi c'est sûr !
- Tu plaisantes, ricana Trowa, s'il pouvait, il te noierait dans la cuvette des WC. Il t'exècre déjà oui ! Ça prouve qu'il a du flair.
- Pfeu... Tu n'y connais rien. Tu viens d'assister à un véritable coup de foudre.
Quatre secoua la tête en souriant.
- C'est ce que tu dis environ une fois par mois.
- Mais cette fois c'est vrai. Il n'a pas encore pris conscience que nous sommes fait l'un pour l'autre, mais ça viendra. Heero soutiens-moi pour une fois !
- Tu veux réellement le fond de ma pensée. Tu sautes sur tout ce qui bouge uniquement pour emmerder ton beau-père. Depuis qu'il a annoncé son mariage avec Norin tu en es malade de jalousie !
Le sourire de Duo s'était effacé aussi vite que Bip bip devant Coyote. Il n'y avait plus aucune trace d'amusement sur ses traits délicats. Un autre que Heero ne se serait pas risqué d'avantage sur ce terrain là.
- Tu dérailles mon pauvre ami ! Je te rappelle que Treize était le mari de ma mère.
- Je vous ai vu ensemble et cela ne date pas d'hier.
- Tu as mal interprété la situation.
- Vous étiez nus dans son bureau et il avait sa verge dans ton anus, je doute qu'il soit possible de mal interpréter. Aie !
Trowa venait de lui décocher un coup pied dans le tibia tandis que Quatre lui enfonçait son coude dans les côtes. Duo, furieux et peiné, se leva et les abandonna sans un mot.
- Je ne crois pas qu'il y ait dans cette ville un autre être aussi dénué de sentiment. Siffla Trowa d'un ton méprisant. Il y a vraiment des moments où tu me répugnes.
Il quitta la table à son tour pour essayer de rattraper l'Américain. Heero, résigné, se tourna vers Quatre.
- Vas-y, dis-moi toi aussi ce que tu as sur le cœur.
- Ce n'est pas nécessaire. Rien de ce que je pourrais te reprocher ne te fera autant de mal que les paroles de Trowa. Et puis, je sais qu'en réalité tu t'inquiètes pour Duo, mais tu sais, je crois que son beau-père est vraiment amoureux de lui, ce n'était pas une simple histoire de sexe comme le croit Duo... Et puis il n'y a aucun lien de sang ce n'est pas si immorale que...
- Ce n'est pas la question. L'interrompit le Japonais d'une voix sèche. Treize Kuschrénada à mis un terme à cette liaison pour se choisir une compagne et Duo doit l'accepter. Il n'arrête pas de le provoquer en publique, il ne lui montre pas le respect qui lui est dû et il s'oppose ouvertement à lui. Tu sais aussi bien que moi que s'il ne se calme pas Treize devra sévir et se montrer sans pitié quels que soient ses sentiments pour Duo. S'il ne le fait pas cela pourrait remettre en cause son statut de chef de meute et toute notre hiérarchie en serait perturbée. Je tiens à Duo autant que vous mais il n'a pas le droit de mettre en péril la structure de notre meute à cause de ses états d'âme. Il n'avait qu'à y penser avant de coucher avec le mari de sa mère. Je sais bien qu'il est perturbé depuis la mort d'Hélène mais cela n'excuse pas tout.
- Tu es dur. Mais tu as raison comme souvent. Ce n'est pas étonnant que Treize voit en toi celui qui lui succédera. Néanmoins si je peux me permettre une remarque, ce n'est pas avec ce genre de propos sans tact que tu t'approprieras le cœur de Trowa.
Heero eut un rire froid et sarcastique.
- La seule chose qui m'intéresse chez ce bon dieu de Français c'est son cul ! Et il a beau dire ce qu'il veut, je sais que c'est aussi ce qu'il souhaite. Il a la trouille de changer c'est tout. Mais le loup en lui finira par sortir un jour ou l'autre qu'il le veuille ou non, ce n'est pas l'abstinence qui y changera quoique ce soit.(1) Putain il doit être le plus vieux puceau du comté. Si ça continu il finira par entrer dans les ordres !
- Ou il choisira quelqu'un de plus doux et de plus compréhensif que toi.
Le Japonais ne pu retenir un grondement de colère et de menace. Quatre éclata d'un rire franc et léger. Son regard azuré pétillait de malice.
- Aucun Loup n'est aussi possessif pour une simple histoire de cul Heero. Ce n'est pas notre nature tu le sais bien. Seuls les sentiments ont ce pouvoir. Je me demande lequel de vous deux à le plus peur d'affronter ce qu'il est en fin de compte... Il rejette sa part de loup et tu rejettes ta part d'humain... N'oublie pas qu'il a perdu ses deux sœurs lors de leur transformation. Ses parents l'ont élevé en espérant qu'il ne deviendrait jamais un loup, ils lui ont insufflé une peur panique de cet état, et ils ont tout fait pour qu'il quitte Wolf Lake. Tu sais qu'il est courageux mais il y a des sentiments qui sont difficiles à gérer, même pour lui. Sois patient Heero.
Quatre se leva, régla l'addition puis se pencha vers le Japonais.
- Encore une chose... Si jamais tu lui fais du mal je ne te le pardonnerais jamais, et tu sais qu'il ne fait pas bon m'avoir pour ennemi.
Heero ne broncha pas. Il n'avait pas peur de son ami mais il ne le sous estimait pas non plus. Quatre pouvait être un adversaire redoutable. Un adversaire mortel...

Lorsque le Chinois quitta sa table pour traverser le hall, il constata que le restaurant était presque désert. Perdu dans ses pensées il ne s'était rendu compte de rien. En moins d'une heure les gens avaient disparu et un silence surprenant régnait dans le bâtiment. Même les serveuses étaient rentrées. Il ne restait plus que le jeune homme aux cheveux bruns, et une jeune femme à la réception de l'hôtel. Elle l'accueillie d'un sourire commercial et d'un vague bonsoir.
- Je voudrais une chambre s'il vous plaît.
- Pour combien de nuits ?
- Quatre peut-être cinq.
- Nous ne servons pas le petit déjeuner, vous devrez descendre le prendre ici.
- Pas de problème. Vous ne seriez pas parente avec la serveuse par hasard, Hilde je crois... Je trouve que vous lui ressemblez.
La jeune femme sourit plus franchement.
- C'est ma sœur. Je m'appelle Norin. Puis-je vous demander le but de votre séjour chez nous.
- Vous pouvez. Je suis là pour un article.
- Sur Wolf Lake ?
Wufei hocha seulement la tête.
- Et vous travaillez pour quel journal ?
Il eut la désagréable impression de passer d'une discussion banale à un interrogatoire.
- Mythes et Légendes.
Elle afficha un sourire complaisant à l'évocation du magazine mais il ne suffit pas à dissimuler son mécontentement.
- Et de quel mythe comptez vous parler exactement ?
- Vous n'aurez qu'à lire l'article.
Elle lui tendit un registre qu'il remplit à la va vite, une clef et... La facture.
Wufei régla de bonne grâce mais non sans penser que la confiance semblait limitée dans le coin.
- C'est la douze.
Elle lui donna de quoi faire son lit, un drap de bain et un gant.
-Vous devrez faire votre lit. Il n'y a pas de femme de chambre. C'est de l'autre côté de la rue. Bonne nuit.
- Merci.
Il retrouva la fraîcheur de la nuit avec un certain plaisir, et marqua un temps d'arrêt sur le pas de la porte, pour profiter du ciel clair. Avec un sourire, il essaya de repérer les différentes constellations. Après une courte errance dans le cosmos et les souvenirs, il reporta son attention sur la terre ferme. Les rues si animées à son arrivée étaient tout aussi désertes que le restaurant. Cela semblait étrange lorsque l'on venait d'une ville toujours en mouvement quelle que soit l'heure. Mais il n'y avait pas que cela, ce qui était vraiment surprenant c'était la rapidité avec laquelle l'atmosphère avait changé. Un peu comme si la ville entière obéissait à un couvre-feu. D'un pas tranquille il suivit la direction qu'on lui avait indiquée. Bien qu'il ne soit pas d'un naturel craintif il sursauta violemment lorsqu'il entendit un bruissement important provenant des buissons à la lisière de la forêt. Encore une particularité du site, Wolf Lake semblait presque construite aux milieux des bois. Il n'y avait pas de véritable limite entre la nature sauvage et l'urbanisation. Cette dernière semblait d'ailleurs avoir était surveillé avec sévérité. Le jeune homme scruta la pénombre mais ne perçu aucun mouvement. Il tendit l'oreille encore un instant puis haussa les épaules et gagna la chambre qu'on lui avait attribuée. Il était en pleine campagne et il entendrait sans aucun doute encore beaucoup de bruits inquiétants, il fallait juste s'y habituer. Malgré ses bonnes résolutions il ne put empêcher son sang de se glacer dans ses veines lorsque le hurlement d'un loup déchira la nuit. Il referma violemment la porte de la chambre puis écouta d'autres loups répondrent à cet appel, dont un, qui lui sembla particulièrement proche, quelques mètres pas plus. Wufei n'était pas surpris par la présence de ces canidés dans la région, elle était connue pour cela, mais les sentir si proches était tout à fait déconcertant. Il alluma la lumière, défit son maigre bagage, puis se laissa tomber sur le lit. Dans la pénombre de la pièce il écouta les hurlements qui courraient dans la nuit jusqu'à ce que la fatigue l'emporte.

A suivre...

(1) Pour ceux qui ne connaissent pas la série, certains habitants de Wolf Lake (à ce que j'ai cru comprendre car je n'ai hélas pas vu tous les épisodes) naissent avec le "gène loup-garou". Ils ne le deviennent pas par morsures ou blessures... A l'adolescence leur partie loup apparaît et cela est favorisé par les relations sexuelles. Seulement il arrive que cela se passe mal et certains meurent dans d'atroces souffrances coincés entre deux stades, celui du loup et celui de l'humain. Certains peuvent donc avoir peur de ce changement.

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