Auteur : Liam63
E-mail : liam63@tiscali.fr
Base : Gundam Wing
Disclaimer : Rien n'est à moi.
CANIS LUPUS
Chapitre II
La curiosité est un vilain défaut
Le Chinois passa une grande partie des deux jours qui suivirent à la bibliothèque, sous le regard acéré d'une vieille femme à l'air stricte, qui semblait surveiller chacune de ses lectures. Il finit par avoir l'impression, qu'en ce lieu, son ombre portait un tailleur en tweed et un chignon. Mais en fait, l'impression désagréable d'être épié le poursuivait dans toute la ville et parfois même en dehors, lorsqu'il s'aventurait dans les collines, près du lac ou encore dans les bois ; enfin, à la lisière, car il n'osait pas s'y risquer d'avantage. Quant aux habitants, ils n'étaient pas antipathiques à proprement parlé mais ils semblaient circonspects, très circonspect. Ses questions dérangeaient et on le lui faisait comprendre sans ambages. De toute évidence, à Wolf Lake on ne souhaitait pas qu'un magazine, même fantaisiste, dise qu'un loup-garou vivait dans la ville. Wufei trouvait cela étrange, car ce genre de rumeur aurait pu leur attirer des touristes, comme les extra terrestres de Roswell, et relancer ainsi l'activité économique de la région. A cause de leur trop grande méfiance, il en vint à supposer qu'ils avaient quelque chose à cacher. Pas des loups-garous naturellement, il n'était pas idiot au point de croire à ces balivernes, mais peut-être une secte ou un trafic quelconque... Dans ce cas, cependant, pourquoi ne pas lui balancer une petite histoire de loup-garou bien juteuse et le renvoyer dans ses pénates ? Parce qu'un tel article pourrait indubitablement attirer du monde, pensa-t-il, et qu'ils ne voulaient surtout pas voir d'étrangers fourrer leur nez partout.
Il avait noté des choses étranges dans cette ville depuis son arrivée, des choses qu'il était impossible d'ignorer, comme le fait qu'il y ait deux cimetières. Un à la vue de tous, et un autre dans les profondeurs de la forêt, près de la rivière, comme si l'on avait sciemment voulu le dissimuler. Il contenait un nombre anormal de personnes décédées à l'adolescence, et un symbole, toujours le même, était gravé sur chaque pierre tombale. Certaines avaient près de deux siècles mais d'autres étaient très récentes. Peut-être sacrifiaient-ils des jeunes gens lors de rites sataniques... Ensuite il y avait la natalité... Il avait pu observer plusieurs femmes promener leurs nouveau-nés, en soi c'était plutôt banal, ce qui l'était moins c'était le fait que ces enfants soient souvent des triplés voir des quintuplé. Il y avait aussi cette espèce de couvre-feu. Après minuit il n'y avait plus âme qui vive nul part sauf dans les collines, il avait vu quelques lueurs qui devaient être des feux de camps ou quelque chose dans ce goût là. Enfin, il aurait pu jurer que sa chambre avait été fouillée et que quelqu'un s'était introduit dans son ordinateur pour contrôler ses fichiers et son courrier, sans doute pour vérifier ce qu'il savait. Et pour compléter le tableau, il trouvait un peu trop souvent sur son chemin le shérif Zech Merquise et son adjoint le si sympathique Heero Yui. Ce type aurait réussi à rendre la gaieté elle-même neurasthénique ! Il y avait un secret dans cette ville, un secret que tout le monde s'évertuait à lui dissimuler. Wufei se sentait comme un chien de chasse qui flaire le gibier. Exalté. La voix de la raison lui disait bien de se tenir tranquille, d'écrire son petit article et de rentrer à la maison mais... Il voulait savoir. C'était plus fort que lui.
Contre toute attente, son seul "ami" dans cette ville, était ce jeune homme aux cheveux si longs qu'il avait aperçu le soir de son arrivé. Duo Maxwell. Il s'était montré très entreprenant mais aussi amusant et gentil. Au bout du compte ils avaient assez vite sympathisé, du moins tant que Wufei ne lui posait pas de question. Dans ces moments là il devenait d'abord très évasif puis franchement distant. Duo comme les autres avait quelque chose à cacher ; Mais quoi bordel de Dieu ? Wufei se redressa, un peu énervé par la quantité de questions et le manque de réponses. D'un pas vif il alla reposer les ouvrages qu'il avait consultés sur l'histoire de la ville, les loups et l'ésotérisme. Il avait espéré trouver la signification du symbole gravé sur les tombes, mais aucun de ces livres ne semblait receler le plus petit début de réponse, il était pourtant certain de l'avoir déjà vu quelque part. En se retournant, il heurta une femme et sous le choc laissa glisser sa pile de livres. Elle se baissa aussitôt pour l'aider.
- Je suis désolé. Je ne regardais pas où j'allais.
- Bah ! Moi non plus alors les tords sont partagés. Vous êtes le journaliste Wufei Chang ?
Sa stupeur arracha à la jeune femme un petit éclat de rire.
- Ne me dites pas que vous n'avez pas remarqué que Wolf Lake est une toute petite ville ?
- Si mais je n'avais pas compris que l'information y circulait si vite et avec tant de précision.
- Vous n'imaginez même pas ! On parle beaucoup de vous.
- Je ne comprends pas pourquoi cet article semble déplaire autant.
Elle se garda bien de lui apprendre que ce n'était pas uniquement son article qui déliait les langues et attisait la curiosité. Personne n'ignorait plus, qu'un loup roux, le seul de la meute, passait ses nuits à roder autour de l'hôtel.
- Peut-être parce que nous tenons à notre tranquillité et que nous ne souhaitons pas attirer tout un tas d'hurluberlus ou de fanatiques en quête de loup-garou. Nous avons déjà suffisamment de mal avec les braconniers qui chassent les vrais loups sans en attirer d'autres.
Wufei ne trouva rien à rétorquer à cela, c'était un point de vue qui justifiait une certaine méfiance.
- Puis-je vous offrir un café pour me faire pardonner de vous avoir bousculé monsieur Chang ?
- C'était moi.
- En guise de bienvenu alors.
- En ce cas avec plaisir.
- Quelle idiote je fais, je ne me suis même pas présentée. Sally Po. Je veille sur la santé des habitants, enfin j'essaye. On y va.
Elle l'entraîna jusqu'au restaurant du centre ville où Wufei avait désormais ses habitudes. Elle salua la plupart des personnes présentes d'un signe de la main et s'arrêta à une table où deux hommes l'accueillirent avec chaleur.
- Je vous présente mes cousins. Trowa Barton et Quatre Winner. Voilà Chang Wufei.
Le Chinois serra les mains qu'on lui tendait, puis comme Sally, s'installa à la même table. Hilde leur apporta aussitôt des tasses, du café, et du thé au jasmin pour Wufei. Elle se l'était procuré exprès pour lui et il lui en était très reconnaissant. Il lui offrit l'un de ses rare sourire puis, reporta son attention sur Quatre.
- Winner... Il y a un lien de parenté avec le nom affiché sur la statue du loup sur la place ?
- C'était mon aïeul. Il a participé à la fondation de la ville. Alors comment se passe votre séjour parmi nous monsieur Chang.
- Très bien, si ce n'est que j'ai l'impression d'être un dangereux criminel avec ces deux là toujours sur mes talons.
Du doigt il leur désigna le shérif et son assistant, ils discutaient avec un autre homme. Wufei lui trouvait une certaine prestance. Il dégageait une aura de puissance et d'autorité presque palpable. Son regard d'un bleu profond plongea dans celui de Wufei. Il ressentit une force qui lui commandait de se soumettre mais tout son être se révoltait à cette seule perspective. Trowa le secoua légèrement.
- Ne le regardez pas dans les yeux.
- Qui est-ce ?
- Treize Kuschrenada. Le Maire.
- Pourquoi ne dois-je pas le regarder dans les yeux ?
- Il... Il est très susceptible.
Wufei haussa les épaules et se désintéressa du maire pour discuter avec Trowa.
- Duo m'a dit que vous étiez vétérinaire.
- Je suis l'assistant du docteur G.
- Docteur G ?
- Samuel Gordon. Mais personne ne l'appel jamais par son nom. Pour tout le monde il est le Docteur G. Nous nous occupons du parc naturel aussi.
- Oui, j'ai lu que la région était un site protégé...
- En effet. La chasse est interdite dans tout le comté. A cause des loups.
- Il y en a beaucoup ? Je les entends souvent hurler la nuit. C'est impressionnant.
- Une trentaine. Mais il est très rare qu'ils s'approchent des humains.
- J'ai lu que c'était des animaux plutôt prudents et qu'ils évitaient de côtoyer les humains. Mais ici ils ne semblent pas si effrayés.
- Ils ne sont pas aussi proches qu'ils en ont l'air. C'est un effet acoustique.
- J'aimerais bien en voir, vous croyez que c'est possible ?
- Oui. Si vous savez être discret. Je vous accompagnerais si vous voulez.
- Ce serait sympa. Vous pouvez me tutoyer...
- D'accord, si tu en fais autant. Hé ! Hilde, tu peux m'apporter un beignet s'il te plaît.
La jeune serveuse revint vers leur table avec une diligence qui fit sourire Quatre, Sally et Trowa. Elle prit son air le plus avenant pour s'adresser à Wufei.
- Vous devriez manger quelque chose vous aussi, la verdure et les fruits c'est pas une nourriture ça ! Regardez ce beignet s'il n'a pas l'air appétissant.
Elle le lui passa sous le nez avant de le rendre à son légitime propriétaire.
- C'est gentil mais non merci.
- Dites... Si vous êtes libre ce soir nous pourrions aller au cinéma qu'en dites-vous ?
- Hé bien...
Wufei n'eut pas le temps de trouver une réponse négative polie car il fut interrompu par la voix à la fois douce et tranchante de Duo. Ce dernier posa sa main sur la nuque de la jeune femme, l'amena prés de lui et posa son front contre le sien, en la regardant bien dans les yeux. Cela semblait être un geste affectueux mais quelque chose dans le comportement glacial du jeune homme et celui craintif de Hilde démentait cette possibilité.
- Tu as la mémoire courte Hyldie chérie... Le cinéma est fermé... Pour rénovation... Tu te souviens.
- Ha oui... Oui en effet.
- Bien. Je crois qu'il y a des clients qui t'attendent.
La jeune femme mit autant de zèle dans son départ que dans son arrivée. Duo prit une chaise à la table d'à côté pour se joindre à eux. Il affichait son air jovial habituel.
- C'est étrange... Murmura Wufei tout en l'observant. Pendant un instant il m'a semblé que tu la menaçais.
- Tu plaisantes, elle est presque plus grande que moi ! D'ailleurs tout le monde dans cette ville est plus grand que moi, à part peut-être Heero.
- Et pourtant certaines personnes ont l'air de vous craindre... C'est curieux non ?
- Tu te fais des idées. Avec ton imagination tu devrais laisser tomber le journalisme et devenir écrivain.
- Tiens en parlant de boulot, l'un de vous pourrait me dire ce que signifie ce signe.
Wufei étala sur la table le petit bout de papier sur lequel il avait dessiné le symbole trouvé sur les tombes. Ils l'examinèrent un instant puis chacun son tour dit qu'il n'en avait aucune idée. Le mensonge était si évident qu'il en grinça des dents.
- Le contraire m'eut étonné. Siffla le Chinois sarcastique. Vous ne savez même pas ce que vous gravez sur vos tombes... Comme c'est crédible !
- En quoi cela vous avancerait-il de le savoir monsieur Chang ?
Wufei se retourna vers l'homme à la voix suave et se leva pour lui faire face. Il serra encore une fois la main qu'on lui tendait mais cette fois ne put la retirer d'une poigne solide. Il aurait pu insister mais il aurait eu l'air ridicule en se débattant de la sorte. Un drôle de silence s'était instauré à leur table.
- Je suis Treize Kushrénada.
- Je sais qui vous êtes.
- Non je ne crois pas.
Il y avait une nuance étrange de défi dans le ton de l'homme et le Chinois trouvait détestable la manière qu'il avait de le sonder, comme s'il cherchait quelque chose à l'intérieur même de son âme.
- Voudriez vous dîner avec moi ce soir ? Peut-être pourrions nous aborder les sujets qui semblent tant vous fasciner...
Wufei entendit une chaise tomber et prit conscience que Duo l'avait renversé en se levant brutalement.
- Il sort déjà avec moi ce soir.
Un peu dépassé, l'Asiatique ne nia pas, et observa les deux hommes qui s'affrontaient du regard. Il y avait une certaine violence dans leur échange bien qu'il ne fut que visuel. Un malaise presque palpable s'était emparé des personnes présentes.
Le maire lâcha enfin la main de Wufei et se tourna vers le jeune homme à la natte qui pour l'instant retenait toute son attention.
- Tu passeras me voir cette après midi à quinze heures. Je te conseille d'être à l'heure Duo.
Très contrarié Treize tourna les talons et quitta l'établissement. Zech et Heero toujours à leur table considéraient la scène d'un oeil irrité. Les autres semblaient plutôt inquiets. Seul Duo paraissait satisfait et affichait un petit sourire de prédateur que Wufei trouva à fois fascinant et menaçant. Sans en avoir l'air le Chinois laissa son regard errer sur chacun des protagonistes. Tous dégageaient une aura presque sauvage, il avait l'impression qu'un voile se déchirait peu à peu pour lui révéler un élément nouveau mais il ne parvenait pas encore à l'analyser. Il ne put s'empêcher de tressaillir lorsque la main de Yui se posa sur son épaule et que ses lèvres frôlèrent son oreille.
- La curiosité est un vilain défaut Monsieur Chang. Il me semble que vous en avez déjà fait l'amère expérience par le passé... On peut commettre des erreurs dans la vie, mais deux fois la même cela relève de la stupidité pure et simple. Il n'y aura peut-être personne pour payer à votre place cette fois.
Sans rien ajouter, pas même à l'adresse de ses compagnons, il rejoignit son supérieur qui l'attendait sous le haut soleil de ce début de journée. Wufei ne savait pas ce qui le mettait le plus en rage, le fait que cet individu le menace, ou la désagréable certitude qu'il avait fouillé dans sa vie et la sensation de viol qui en découlait.