Auteur : Liam63

E-mail : liam63tiscali.fr

Disclaimer : Rien n'est à moi.

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CANIS LUPUS

Chapitre III

L'ami d'hier

 

Lorsque Wufei ouvrit la porte de sa chambre ce soir là, il fut bien obligé d'admettre, qu'il éprouva une certaine déception à la vue de Trowa alors qu'il attendait Duo, et au sourire ironique qu'afficha son visiteur, il comprit qu'il n'avait pas su dissimuler pleinement son sentiment.

- Désolé ce n'est que moi.

- Mais pas du tout voyons... Je suis très content de te revoir. Je suis surpris c'est tout.

- Duo a eu un... Léger contretemps, il m'a donc demandé de te dire qu'il ne peut pas venir ce soir.

- Il n'a pas d'ennuis ?

- Non. Il a eu un petit accident de voiture. Le médecin lui a conseillé de se reposer. Demain il sera en pleine forme. Il a essayé de t'appeler mais la ligne de téléphone est coupée.

- Ha oui, c'est assez casse-pieds d'ailleurs, j'avais besoin d'Internet pour faire des recherches.

- Ça te dirait de dîner avec moi ? Je ne prétendrais pas pouvoir remplacer avantageusement Duo mais je ferais de mon mieux.

- Ne te crois pas obligé...

- En réalité je me suis porté volontaire pour la mission.

- La mission ?

- L'idée que tu dînes seul au restaurant alors que Hilde te tourne autour semblait perturber le repos de notre ami.

Wufei émit un soupir entre la contrariété et la fatigue. Il n'aimait pas la manière dont Duo s'ingérait dans sa vie, et la place de plus en plus importante qu'il semblait s'octroyer malgré les rebuffades dont il était victime, mais d'un autre côté, il trouvait sa ténacité excitante. De plus, il était beau et fabuleusement sexy, il aurait fallut se crever les yeux pour ne pas le voir ! Si un tel inconnu lui avait fait les mêmes avances lorsqu'il était encore à Seattle, il l'aurait mis dans son lit sans se poser de questions, mais il était à Wolf Lake, une ville où même les oiseaux semblaient faire leur nid en catimini pour que le journaliste n'ait pas l'idée saugrenue de venir leur poser des questions. Et puis la possessivité du jeune homme l'effrayait un peu et l'énervait beaucoup.

- Cette impression qu'il pense avoir sur moi une sorte de droit de cuissage est insupportable. Il ne t'aurait pas remis une ceinture de chasteté tant qu'il y était ?

- Il aurait bien voulu mais il a perdu la clé, et il veut être certain de pouvoir l'ouvrir lorsque tu te consumeras d'amour pour lui.

- Des nèfles ! Il ne se demande même pas si je suis porté sur les hommes !

- Nous sommes bisexuels alors ce n'est pas le genre de question que nous nous posons.

- Qui nous ?

Trowa parut un instant déstabilisé mais il se repris aussitôt.

- Duo et moi. Entre nous tu ne sembles pas le repousser avec beaucoup d'acharnement. Tu préfères vraiment les femmes ?

- Non. Mais ce n'est pas écrit sur ma figure que je sache. Il aurait pu au moins se poser la question avant de m'imposer ses assauts.

Trowa ne put retenir un petit rire.

- Assauts ? Tu te prends pour une citadelle imprenable ? La princesse dans sa tour... C'est un fantasme ça tu sais !

- Je te croyais sérieux mais en fait tu es aussi maboule que lui !

Sur un dernier sourire échangé, le Chinois rejoignit Trowa à l'extérieure, ferma la porte de sa chambre d'hôtel, puis le suivit jusqu'au restaurant, au rythme d'une promenade, que le temps de plus en plus froid, ne parvint pas à gâcher. Comme à son habitude, Wufei se contenta d'un repas sans viande, alors que son compagnon dévora joyeusement une côte de bœuf plus grosse que son assiette, délaissant avec ostentation les trois haricots verts qui se battaient en duel sur le côté. Entre deux bouchées ils échangèrent leurs avis sur différents problèmes liés à la société, à l'écologie ou à la politique, le tout entrecoupé de commentaires mordants et de plaisanteries. Ils se découvrirent avec plaisir un grand nombre de goûts en commun. L'un comme l'autre passait une excellente soirée. Néanmoins, le regard de plus en plus pesant et agressif de l'adjoint du shérif, installé à l'autre bout de la salle, commençait à miner Wufei. C'était long deux heures lorsque l'on vous fixait avec pour seule envie celle de vous faire trépasser.

- Dis donc tu ne serais pas le petit ami d'un certain représentant de l'ordre par hasard ? Je trouve son regard particulièrement insistant et agressif ce soir.

- Heero ? Non c'est un ami. L'un de mes meilleurs amis en réalité.

- Alors c'est juste parce qu'il ne m'aime pas qu'il me dévisage avec l'évidente envie de m'arracher les tripes ?

- Ignore-le. Répondit Trowa sèchement.

- Je vois... Remarque, ça ne me déplaît pas de le faire enrager...

Avec un sourire provocateur Wufei posa sa main sur celle de son compagnon comme s'il souhaitait établir une relation plus intime. Trowa lui jeta un regard réprobateur, celui dont on gratifie un enfant capricieux, mais il ne le repoussa pas.

- Si tu voyais ses yeux... Brrr! Tu devrais te méfier, un de ces jours ce type te coincera dans un coin pour te faire subir les derniers outrages, que tu sois d'accord ou pas.

- Qu'il essaye seulement ! Et je m'en fait une carpette pour mettre devant ma cheminée !

- Une carpette ?

- Laisse tomber. Je pense néanmoins que tu ne devrais pas le provoquer... Il peut être une vraie teigne lorsqu'il s'y met.

- Il te fait peur en fait.

Trowa haussa les épaules avec désinvolture.

- Non, pas vraiment. Pas comme tu l'entends en tout cas.

Le Chinois sembla réfléchir un moment. La tête penchée sur le côté, il dévisageait son compagnon.

- Tu as peur d'en tomber amoureux...

- Quatre a raison.

- A quel sujet ?

- Tu es observateur et intelligent.

- Tu essais de me flatter pour détourner la conversation.

- Je n'aime pas parler de ces choses là. C'est si personnel...

- Tu as raison. Excuse-moi. Je croyais juste que tu avais besoin d'en parler, et parfois c'est plus facile avec un inconnu... ou presque inconnu... Quelqu'un qui doit partir dans deux jours et que tu ne reverras probablement jamais.

- Avant... Avant on s'entendait bien Heero et moi. On se connaît depuis la maternelle, depuis qu'il m'a dit "si tu touches à mes feutres je t'arrache la tête !"

- Tu plaisantes ? Déjà tout petit il était aussi hargneux ?

- Ce n'est pas complètement de sa faute. Son père était un ivrogne et il était très dur. Il avait la main un peu leste aussi. C'était un cultivateur. Dès son plus jeune âge Heero a été forcé de l'aider aux champs et aux travaux de la ferme. Si l'école n'avait pas été obligatoire je crois qu'il ne l'aurait même pas laissé y aller, il était souvent absent d'ailleurs... Ça n'a pas été facile de devenir son ami, je crois qu'il me plaisait parce qu'il ressemblait à un petit animal sauvage... J'avais l'impression qu'il fallait juste l'apprivoiser, qu'il avait besoin de moi...

- Un petit animal sauvage ? Tu veux dire le genre d'animal qui t'arrache la main si tu as le malheur d'approcher !

Trowa reposa brutalement sa tasse de café.

- Si tu le prends à la rigolade, je ne vois pas l'intérêt de continuer.

- Excuse-moi. C'est juste que depuis qu'il a fouillé dans ma vie... J'ai un peu de mal avec lui.

- Oui je comprends. Je n'aimerais pas ça non plus. Je suis désolé qu'il ait fait cela. Je sais que ça ne se voit pas à première vue, mais il a beaucoup de gentillesse en lui.

Wufei se garda bien de dire que même en y regardant à deux fois il ne voyait vraiment rien gentil chez Heero Yui. "Il n'y aura peut-être personne pour payer à votre place cette fois". Cette phrase là, il n'était pas près de l'oublier et encore moins de la lui pardonner. Même si Trowa se montrait sévère envers son ami, comme tout à l'heure avec ce "ignore-le" brusque et énergique comme une gifle, il irradiait la tendresse lorsqu'il parlait de Heero. Peut-être bien que le vieil adage selon lequel l'amour serait aveugle avait un fond de vérité après tout. S'il n'avait pas trouvé cela un peu déprimant, Wufei en aurait bien rit, Trowa avait peur de tomber amoureux de son ami alors qu'en réalité, à son humble avis, il y avait déjà belle lurette qu'il avait attrapé cette maladie là.

- En fait j'ai appris par la suite que les fameux feutres lui avaient été envoyés par sa mère. Elle était partie deux ans auparavant, et pour autant que je le sache c'est la première et la dernière fois où elle lui a envoyé quelque chose pour son anniversaire. Il n'a plus jamais entendu parlé d'elle. Peut-être qu'il a espéré pendant longtemps qu'elle reviendrait le prendre. Oui, même s'il ne m'en a pas parlé, je crois qu'il a espéré cela jusqu'à ce qu'il soit suffisamment grand pour comprendre que ça n'arriverait jamais. Il les a encore tu sais. Ils sont secs bien sûr mais ils sont bien rangés dans leur plastique, dans un tiroir de son bureau. Je les ai vus, il y a quelques semaines en cherchant du papier pour noter quelque chose. Tu comprends ce que j'essaie de te dire ?

- Je crois oui.

- Peu à peu on est devenu ami, puis Quatre et Duo se sont joint à nous en primaire. Maintenant ils sont comme des frères pour moi. Ils ont toujours été présents dans les moments difficiles. Je les adore tous les trois mais celui dont je me sentais le plus proche c'était Heero, je ne sais pas pourquoi. C'était comme ça.

Trowa marqua une pause, il était songeur, plongé dans ses souvenirs, là où Wufei ne pouvait pas réellement l'atteindre.

- A l'adolescence les choses ont changé... Ils ont commencé à aller aux fêtes organisées sur les collines... Moi je ne voulais pas.

Même s'il ne pouvait voir les yeux de son vis à vis, fixés sur son café, le Chinois entendait parfaitement la tristesse de sa voix. Un peu d'amertume aussi. Sans doute l'adolescent qu'il était alors s'était-il sentit trahi par la semi-défection de ses meilleurs amis.

- Pourquoi ne voulais-tu pas les accompagner ?

Trowa réfléchit un instant. Que répondre ? Pas la vérité bien sûr. Il ne pouvait pas lui dire que c'est là qu'ils se réunissent, qu'ils s'accouplent la plupart du temps et que les premières métamorphoses se font fréquemment dans les bois adjacents, dans les bras d'un autre métamorphe...

- Je n'aime pas être au milieu d'une foule. La musique trop forte, la drogue et l'alcool...

- Je ne vois pas l'actuel adjoint du shérif aimer ça, même au temps de sa jeunesse débridée. Quatre et Duo je ne sais pas, peut-être oui. Mais Yui en toute honnêteté...

- Heero aime le sexe, et les collines sont l'endroit idéal pour ça.

Là il n'y avait aucun doute. La colère et la jalousie le dévoraient.

- Je ne semble plus l'intéresser qu'en tant qu'amant potentiel maintenant, et encore, parce que je me refuse à lui. C'est un défi et il aime les défis. Mais je sais très bien que dès qu'il aura eu ce qu'il veut... J'ai l'impression qu'il se fout royalement de ce que je peux ressentir ou de ce qu'il peut m'arriver ! Nos relations ne sont plus qu'un rapport de force.

- Et toi tu voudrais bien retrouver le Heero d'avant.

Trowa hocha la tête.

- Parfois il me semble que c'est le cas... Puis il ouvre la bouche. Il y a des gens qui devraient naître muet.

Le jeune homme pressa ses doigts sur ses tempes comme s'il avait la migraine. Lorsqu'il releva la tête, l'Asiatique constata que son compagnon avait perdu des couleurs et semblait fatigué.

- Ça ne va pas ? Tu es tout pâle.

- Ce n'est rien... La chaleur sans doute, c'est surchauffé ici. Je vais aller me passer un peu d'eau sur le visage.

Trowa se leva puis se dirigea vers les toilettes. Wufei attendit quelques instants puis commença à s'inquiéter. Peut-être avait-il eu un malaise ? Lorsqu'il délaissa sa serviette en papier, qui n'était plus qu'un petit tas informe reduit en confettis, il vit Yui prendre lui aussi la direction des toilettes. Il décida de le suivre, au cas ou les deux hommes auraient une algarade, voir plus. Il pressa le pas pour le rattraper et se trouva juste derrière lui lorsque le jeune homme brun pénétra dans la pièce en l'ignorant complètement. Une seule petite lampe éclairait encore faiblement l'endroit, toutes les autres avaient été brisées. Elle se balançait doucement au bout de son fil et projetait des formes sombres et mouvantes. Un robinet n'avait pas été fermé et on entendait encore l'eau couler. Un bruit si négligeable qu'il ne parvint pas à dissimuler le son étouffé d'un gémissement. Peur ou douleur ? C'était difficile à déterminer.

- Trowa...

L'endroit paraissait vide mais Heero se précipita vers le coin le plus sombre et Wufei vit enfin la silhouette fine, recroquevillée contre le mur, à même le sol.

A suivre...

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