Auteur : Liam63
E-mail : liam63@tiscali.fr
Disclaimer : Rien n'est à moi.
Canis lupus
Chapitre IV
Je ne comprends pas !
Heero, agenouillé devant Trowa, constata que le corps de son ami était parcouru de spasmes légers. Il posa sa main sur sa joue, avec douceur, pour l'obliger à relever un peu la tête. Sa peau était anormalement chaude et signe de fièvre. Ses yeux avaient perdu leur douce couleur verte pour se teinter d'un doré mystérieux. Ce n'était pas encore tout à fait des yeux de loup, mais ces premiers signes indiquaient que la transformation était proche et sans doute inévitable. Le jeune homme, terrorisé, luttait de toutes ses forces contre les changements qu'il sentait venir en lui. Exactement ce qu'il ne fallait pas faire, songea Heero. C'était comme si une femme sur le point d'accoucher changeait d'avis au dernier moment. Qu'on le veuille ou pas, que l'on ait peur ou pas, la nature doit suivre son cours, essayer de le dévier ne fait que rendre les choses plus pénibles. Le Japonais sentit, bien plus qu'il ne le vit, le journaliste bouger derrière lui.
- Il ne va pas bien ?
- Pourquoi tu trouves qu'il a l'air d'aller bien ?
Heero prenait bien soin de rester entre Trowa et Chang Wufei pour ne pas laisser l'occasion à ce dernier d'en voir trop. Dieu merci, le peu de lumière ne permettait pas une bonne visibilité à un humain, tout ce qu'il devait percevoir, c'était un état maladif. L'adjoint du shérif se releva, sortit un trousseau de clés de sa poche et le jeta à Wufei.
- Par discrétion il vaut mieux qu'il sorte par derrière. Va chercher la voiture et viens dans la ruelle, près de la porte de secours, je t'attendrais là.
- Ça t'arracherait la gueule de dire s'il te plaît ? Et elle ressemble à quoi ta bagnole ? Si je me goure, tu serais encore capable de me foutre en taule pour vol !
- C'est la voiture de la police, tu ne peux pas de tromper. Essaye de faire vite... S'il te plaît.
Wufei aurait pensé qu'une telle humilité venant de cet individu lui aurait fait un plaisir immense, qu'il en aurait entendu les anges chanter, mais non. Elle ne fit que le paniquer. Heero Yui était inquiet, très inquiet. Il le cachait bien et gardait son sang froid mais ce n'était pas suffisant. De toute évidence il savait de quoi souffrait Trowa et c'était grave. Sans s'attarder, le Chinois fit ce qu'on lui avait demandé. En passant, il laissa quelques billets sur la table pour régler leur note, récupéra sa veste et celle de Trowa, puis gagna le parking d'un pas pressé.
De son côté, Heero mouilla un mouchoir pour le passer sur le visage de son ami.
- Ça va aller, je vais te ramener. Essayes de garder ton visage caché. Il ne faut pas que Chang le voit.
Il le souleva dans ses bras, sans effort, et se dirigea vers la sortie. Trowa posa la tête sur son épaule et se dissimula dans son cou. Ils n'eurent pas à attendre longtemps dehors, Wufei gara presque aussitôt la voiture devant eux. Il vint ouvrir la porte arrière pour que Heero dépose Trowa sur le siège, mais celui-ci refusa de le lâcher. Heero hésitait, il voyait que son ami avait besoin d'un contact rassurant, mais demander à Wufei de conduire, c'était prendre un risque important, que Treize ne lui pardonnerait pas. Ce fut un spasme plus fort que les autres qui décida le Japonais.
- Tu veux bien conduire s'il te plaît ?
- Bien sûr.
Ils s'installèrent tous dans le véhicule aussi vite que possible.
- Où est l'hôpital ?
- On ne va pas à l'hôpital, on le ramène chez lui.
- Tu es dingue ! Il a besoin de voir un docteur !
- Je sais ce qu'il a. Ce dont il a besoin c'est de retrouver le calme de sa chambre. Maintenant arrête de perdre du temps et démarre.
- Bien chef. C'est par où ?
- Vas à la sortie de la ville, vers le Nord, ensuite je t'indiquerais où tourner.
Wufei, tout en conduisant, surveillait les deux hommes dans son rétroviseur. Il vit Heero se contorsionner pour prendre son téléphone portable dans la poche arrière de son pantalon sans pour autant lâcher Trowa une seconde. Il composa un premier numéro mais il n'y avait de toute évidence personne. Il recommença avec un autre numéro et attendit.
- Répond, répond... Zech ? Quatre est avec toi ? Ok. Dis-lui de me rejoindre chez Trowa. C'est commencé. Hum... Je ne sais pas depuis combien de temps sont apparut les premiers symptômes, mais sa température grimpe vite. Non, c'est le journaliste qui conduit. Oui et bien il était là.
Heero raccrocha brutalement et jeta le combiné sur le côté. Wufei qui avait bien compris que sa présence n'enchantait pas grand monde décida de patienter un peu avant de décider qu'il était franchement vexé. Pour l'instant, son esprit se concentrait pour essayer de saisir ce qui le chiffonnait. Il savait qu'il était passé à côté de quelque chose... Mais quoi ? Un élément qu'il aurait du remarquer mais qu'il avait négligé.
- Tourne à droite.
Selon l'indication il emprunta une petite route en terre, dotée de quelques trous désagréables qu'il s'efforça d'éviter. Il du se concentrer un peu plus, malgré une bonne visibilité. Voilà autre chose qu'il trouvait étrange. C'était la troisième nuit qu'il passait à Wolf Lake, et l'astre lunaire semblait ne jamais décroître, il restait inexorablement rond, et ce en vertu des lois physiques les plus élémentaires. Le Chinois savait bien entendu que c'était impossible, et pourtant il lui suffisait de lever les yeux pour admirer toute la splendeur de la pleine lune. Il y avait bien quelques nuages de çi delà, mais aucun qui ne dissimula le satellite naturel de la terre, même en partie. Si cela avait était le cas, il aurait pu prétendre à un effet d'optique, ce que c'était certainement du reste, mais comment l'expliquer. Il faudrait demander à un spécialiste comment une chose aussi inconcevable était possible... Il y avait forcement une explication rationnelle.
- Prend encore à droite. Fais gaffe, ne te goures pas, sur l'autre route il n'y a plus de pont et j'ai pas envie de prendre un bain à cette période de l'année.
- J'ai froid rien que d'y penser ! Comment va t-il ?
- Je crois que sa fièvre a encore grimpé.
- Tu devrais au moins appeler Sally Pô.
- Quatre va arriver.
- Pour autant que je sache, il travaille à la banque, il n'est pas médecin. Répliqua Wufei très sarcastique.
- Il est... Guérisseur.
- Guérisseur ? J'ai fait un sujet sur eux...
Il n'avait pas besoin de rajouter quoique ce soit pour que l'on comprenne à quel point il méprisait ces personnes.
A son grand soulagement, Wufei vit enfin apparaître une petite maison en rondins, au milieu d'un bosquet d'arbres immenses, et probablement centenaires. Une petite lampe éclairait le porche auquel conduisaient trois marches en bois. Il se gara juste devant, puis descendit de la voiture et jeta un bref coup d'oeil aux alentours, tout en ouvrant la portière pour que Heero puisse sortir aisément.
- Ben au moins il n’est pas emmerdé par les voisins ! Je crois que c'est tout à fait le genre d'endroit que j'aimerais habiter !
Heero grimpa les marches sans répondre, et Wufei compris enfin, ce que la petite voix dans sa tête, avait essayé de lui dire depuis qu'ils avaient quitté la ville. Heero, plus petit et plus fin que Trowa, le portait comme si ce dernier ne pesait rien. Il ne semblait pas ressentir la moindre difficulté à transporter un homme qui devait faire au bas mot le double de son poids.
- Regarde dans la poche intérieure de sa veste, il doit y avoir les clés de la maison.
Wufei exécuta l'ordre implicite et pénétra dans le salon à la suite de l'adjoint du shérif. Il tâtonna sur le mur à la recherche de l'interrupteur, tandis que Heero traversait la pièce dans la pénombre, pour gagner la chambre. Là, il déposa Trowa sur son lit, puis le délaissa quelques secondes pour allumer une bougie, dédaignant l'électricité. Malgré la faible clarté, le Chinois vit Trowa se replier sur lui-même et l'entendit gémir faiblement. Il continuait à penser que c'était une erreur de ne pas l'avoir conduit à l'hôpital. Il regrettait de ne pas avoir insisté. Le Japonais revint vers lui d'un pas pressé, et tendit la main à Wufei qui la saisit machinalement.
- Je te remercie pour ton aide. Tu peux prendre la voiture pour retourner en ville. Je la récupérerais plus tard.
Heero le vit jeter un oeil dans la chambre par dessus son épaule et se demanda s'il arriverait à s'en débarrasser aussi facilement. Le journaliste soupira puis se dirigea vers la porte sans insister. Il n'était pas content, cela se voyait sur son visage, mais la politesse l'empêchait de s'attarder alors qu'on lui donnait congé.
- J'espère que tu sais ce que tu fais...
- Ne t'inquiète pas.
- Je suppose que je n'ai pas le choix de toute manière.
Heero était un peu contrarié que le jeune homme s'attarde mais il appréciait le soucis qu'il semblait se faire pour Trowa. Il aimait les hommes de principes et Wufei Chang en était un.
- Je suis désolé... Pour... Enfin pour ce que j'ai dit l'autre jour au bar. Sur la jeune fille.
S'il s'était attendu à des excuses ! Ce qu'il ne savait pas c'était que Heero était presque aussi étonné de les formuler que lui de les recevoir.
- Ho... Je passerais demain voir comment il va.
- Il ne vaudrait mieux pas. Il va avoir besoin de repos. Bonne nuit.
- Bonne nuit.
Lorsque Wufei arriva à la première intersection il croisa un autre véhicule conduit par le shérif. Quatre à ses côtés lui adressa un petit salut faiblard.
Une fois en ville, le Chinois hésita à regagner son hôtel. Finalement, au bout de quelques minutes d'incertitude, il se dirigea vers le cabinet de Sally. Elle lui avait dit habiter au-dessus, et il espérait qu'elle ne lui tiendrait pas rigueur de l'heure tardive. Il imaginait déjà la colère des amis de Trowa, mais il s'en moquait. Malgré la sympathie que lui inspirait Quatre Raberba Winner, Wufei estimait que le jeune homme devait être examiné par un médecin, et non une espèce de rebouteux. Donc, bien qu'il soit vingt trois heures passées, il sonna avec insistance à la porte de Sally. La jeune femme vint lui ouvrir dans une chemise de nuit jaune en coton épais, les cheveux en forme de buisson ardent et les yeux ensablés. S'il avait été amoureux d'elle, elle aurait tué en lui tout idée de fantasme. L'espace d'une seconde, il se demanda si Duo portait des pyjamas, et si c'était le cas, à quoi ils ressemblaient. Il secoua la tête pour chasser cette idée incongrue.
- Je sais qu'il est tard, excuse moi de te déranger mais Trowa est malade.
- Malade ?
- Il a une forte fièvre, des spasmes...
- Tu l'as laissé tout seul ?
- Non. Quatre, le shérif et son adjoint sont avec lui.
- Je vois. Entre.
- Écoute, je crois qu'on devrait y aller avant qu'ils ne lui fassent Dieu sait quoi...
Il la suivit malgré tout jusque dans un petit salon très kitsch. De toute évidence, ne sachant quel style elle aimait exactement, elle avait décidé de les mélanger. C'était un peu surprenant de prime abord, mais pas désagréable à l'oeil. Son goût certain lui avait permis d'assortir avec harmonie, des choses qu'il aurait cru incapables de se côtoyer dans la même pièce. Il y avait même un vieux cheval de manège, en bois, des années 1900.
- Assis toi.
Il s'installa dans un canapé confortable aux couleurs de l'arc-en-ciel. Il dut admettre que si quelqu'un avait eu la mauvaise idée de lui offrir le même, il aurait trouvé un moyen de s'en défaire, quitte à enflammer l'appartement.
- Si j'allais jusque là-bas... Ils ne me laisseraient pas entrer, et encore moins l'examiner.
Elle mentait bien évidemment, mais elle ne pouvait tout de même pas lui dire qu'en matière de métamorphes, elle n'était d'aucune utilité. C'était le travail de Quatre et de Duo de les aider à passer le cap. Ensuite, une fois qu'ils étaient des "loups" à part entière, le docteur G s'occupait des éventuelles maladies et blessures. Elle ne se consacrait qu'à la population "humaine" de Wolf Lake, tout comme l'hôpital. Si par malheur la métamorphose n'avait pas lieu et qu'il faille mettre un terme aux souffrances et à la vie de la personne, c'était alors Treize qui s'en occupait, selon un rituel qui leurs était propre. En tant que chef de meute c'était sa responsabilité. Sans aucun doute la plus déplaisante. C'était la raison pour laquelle le chef de meute était toujours d'apparence froide et déterminée. Il fallait une grande force de caractère pour mettre fin à la vie des membres de la meute, souvent très jeunes.
- Pourquoi ?
- A cause de leur religion.
- C'est bien une secte alors...
- Oui. Ils refusent tout contact avec la médecine. Ils se soignent le plus souvent avec des plantes.
- C'est de la folie !
Elle haussa les épaules, fataliste.
- Cela n'explique tout de même pas pourquoi les décès de personnes très jeunes sont aussi nombreux, quarante ces cinq dernières années ! Ils les empoisonnent avec leurs saloperies d'herbes !
- Non pas du tout. Crois-moi, j'ai vérifié. S'il y a tant de mort c'est... C'est à cause de la dégénérescence du patrimoine génétique, du à de nombreux mariages consanguins. Leur système immunitaire est très affaibli.
Elle n'en revenait pas de toutes les histoires abracadabrantes qu'elle était obligée de raconter, et surtout elle détestait cela.
- Et le symbole sur leur tombe, qu'est-ce qu'il signifie finalement ?
- Je ne sais pas.
- Ce sont tes cousins et tu vis ici, tu ne vas pas me faire croire cela !
- Je suis une habitante de Wolf Lake, c'est vrai, mais je ne suis pas des leurs.
Il crut percevoir une pointe de regret dans sa voix.
- Il faut certains critères pour y entrer ?
- C'est ta naissance qui décide de ton appartenance. Et maintenant, arrête de me poser des questions s'il te plaît.
- Ils sont peut-être en train de tuer ton cousin et tu ne vas rien faire à cause d'une croyance à la con, c'est bien ça ?
Il vit qu'il l'avait blessé mais il n'en éprouvait qu'un regret minime. Il se leva pour prendre congé. Sur le pas de la porte elle posa sa main sur son avant bras.
- Tu devrais quitter la ville... Murmura t-elle. Crois-moi, Wolf Lake ne t'apportera rien de bon. Tu es un homme bien Wufei. Vraiment bien. Rentre chez toi et oublie-nous.
Elle referma la porte doucement et il regagna son hôtel un peu déstabilise, un peu contrarié et très triste. Duo appartenait à cette secte de maboules. Il fit quelques pas dans la chambre pour se clamer, puis se posta devant la fenêtre pour admirer la lune. Un peu plus loin, sur un rocher près de la lisière des bois, un loup roux semblait le regarder à travers la vitre. Son pelage paraissait si soyeux que Wufei éprouva l'envie irrésistible d'y passer les doigts. L'animal resta là un moment, ils se fixèrent dans un échange exempt de paroles mais riche de signification. Le Chinois se sentit plus étranger que jamais. Il n'était plus seulement un étranger dans une ville, mais un étranger dans un univers qui lui échappait complètement. Et pourtant, malgré cette impression déplaisante, il se sentit plus serein que jamais. Le loup descendit du rocher et retourna vers la forêt en boitillant. Wufei se coucha, et rêva qu'il courait parmi les arbres, libre comme il était impossible de l'être réellement.
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