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CANIS LUPUS
Chapitre VI
La métamorphose
Heero et Zeck déposèrent Trowa dans un bain tiède afin de faire baisser sa température qui prenait des proportions inquiétantes. Le Japonais, accroupi près de la baignoire pour soutenir son ami, lui soufflait des mots apaisants et repoussait ses cheveux avec délicatesse. Il ne voyait pas quoi faire d'autre pour lui témoigner son affection. Il n'était pas doué pour cela. S'il l'avait été, peut-être n'en seraient-ils pas là ? S'il avait su se montrer tendre, patient et convainquant, peut-être Trowa aurait-il fini par accepter d'être un peu plus qu'un ami... Peut-être lui aurait-il fait suffisamment confiance pour lui abandonner son corps... Peut-être Heero aurait-il pu alors faciliter sa transformation en annihilant ses craintes et son rejet du loup ? Oui peut-être... Mais comme Sally avait l'habitude de le dire, "avec des si et des peut-être on refait le monde !".
Pendant ce temps, dans la cuisine, Quatre avait étalé différents sachets et quelques fioles sur la table. Très calme, il attendait que la bouilloire émette son signal caractéristique. Pour ne pas attendre à ne rien faire, il changea les draps du lit pour qu'ils soient plus frais, puis installa les liens au montants, ils serviraient à entraver Trowa. C'était une pratique qui lui déplaisait, mais qui devenait indispensable lorsque le métamorphe en cours de transformation perdait tout contrôle. Cela l'empêchait de se faire du mal, d'éventuellement en faire aux autres, mais surtout de s'échapper. Dans les périodes de rémission de la douleur, il arrivait fréquemment qu'ils s'enfuient et cours devant eux, au hasard, complètement égarés. On les appelait alors les "cavaleuses ou cavaleurs"(1) et les rattraper n'était pas toujours aisé. Dans ces moments là, ils ressemblaient exactement à l'idée que les hommes se font de l'apparence du loup-garou. Mi-bête, mi-homme, se déplaçant à quatre pattes, conservant une apparence humanoïde mais avec le visage et les membres si déformés que leur apparence était souvent effrayante.
De retour dans la cuisine, le jeune homme choisit sur la table l'enveloppe de cellophane où était inscrit, d'une écriture bien calligraphiée, "Margycarpus setosus", il préleva quarante grammes de racine, les jeta dans un litre d'eau bouillante, puis laissa infuser quelques minutes. Zech et Heero portèrent Trowa, qu'ils avaient vêtu d'un caleçon, jusqu'au lit. L'Asiatique ramena avec douceur la couverture sur le corps qui se crispait à intervalles irréguliers. Il s'assit sur le bord du lit et continua de caresser les cheveux humides du jeune homme.
- Je vais appeler tes parents pour les prévenir.
Les yeux verts, empreint de douleur mais tout à fait clairs, plongèrent dans la vaste étendue cobalt. Il posa sa main, qui déjà se déformait, sur le poignet de Heero.
- Non...
Sa voix éraillée, au son saccadé, témoignait de la transformation en cours de ses cordes vocales. Le Japonais savait que bientôt son ami ne pourrait probablement plus parler.
- Ne... Leur... Dit... Rien. Seulement... Quand... Ce... Sera... Fini.
Le couple avait déjà perdu deux enfants dans des circonstances semblables, ils avaient du assister à la lente et douloureuse agonie de leurs filles. Il était tout à fait compréhensible que Trowa souhaite leur épargner cette nouvelle épreuve. S'il ne survivait pas ce serait naturellement insupportable pour eux, mais revivre encore une fois des heures aussi horribles... A attendre, impuissants... A entendre les gémissements, les os qui craquent, les cris... Voir par endroit la peau se déchirer pour se cicatriser puis se déchirer à nouveau...
- D'accord. Lorsque tout sera rentré dans l'ordre, tu iras toi-même les voir. Ils seront si soulagés... Ça ira... Je sais que ça ira.
Il fut évident que c'était surtout lui que Heero essayait de convaincre. Quatre filtra l'infusion puis vint l'apporter à Trowa. Avec l'aide du Japonais il l'aida à se soulever.
- Cela fera baisser ta fièvre. Tu dois en boire aussi souvent que possible.
Obéissant le jeune homme fit des efforts pour avaler la totalité de la tasse puis se laissa retomber sur ses oreillers. Quelques instant plus tard, Quatre apporta un morceau de sucre sur lequel il avait versé dix gouttes d'eau de Mélisse, dont les vertus antispasmodique et calmante soulageraient un peu le métamorphe. Au cours de la nuit Zech et Heero le regardèrent appliquer des cataplasmes, et autres préparations. Néanmoins les heures qui passèrent furent cruelles pour Trowa et invivables pour ceux qui l'aimaient. Au petit matin, à contre coeur, ils durent l'attacher. La métamorphose n'avait toujours pas eu lieu et s'annonçait de plus en plus mal. Le corps de Trowa semblait lutter contre lui-même, comme si deux entités se le disputaient, sans considération pour ses chairs meurtries. L'humain et le loup se rejetaient l'un l'autre, incapable de comprendre qu'ils n'étaient qu'un ! Trowa s'affaiblissait plus rapidement que Quatre ne l'avait pensé, mais ses hurlements de rage et de douleur continuaient à leur vriller les tympans. Il persistait dans son acharnement à se défaire de ses liens, se blessant d'avantage. Son organisme ne cessait de se modifier, allant d'une forme à l'autre, sans qu'aucune des deux ne parvienne jamais à son terme. Incapable d'en supporter d'avantage, Heero se réfugia sous le porche et se laissa tomber sur les marches en pin. C'est là que Duo le trouva, le visage enfoui dans ses mains. Durant quelques secondes il eut peur de ce que le Japonais allait lui annoncer, il ne voulait pas l'entendre. Il avait repoussé l'éventualité de la mort de toutes ses forces, mais devant tant de désespoir il fut pris d'un doute affreux. Heureusement, et malheureusement, son ouïe affûtée lui permis d'entendre le métamorphe, plus loin, dans la maison. Il posa une main réconfortante sur l'épaule de Heero, la serra brièvement puis rentra pour aider Quatre. Zech retourna en ville pour travailler. En passant près de lui, il signifia à Heero qu'il pouvait prendre ses jours de congés.
Peu après, malgré le ciel gris et bas, chargé de pluie, et bien qu'il fasse de plus en plus froid, Quatre vint rejoindre le Japonais à l'extérieur. Ils restèrent là, sans rien dire, les yeux dans le vague, ignorant le paysage, qui pour eux se limitait aujourd'hui à une suite de conifères et de buissons.
- Duo est en train de préparer un mélange soporifique. Décréta le jeune blond. Il pense qu'endormir Trowa pourrait permettre l'émergence du loup, que si la raison n'intervient plus, l'instinct prendra le dessus.
- Tu es de son avis ? La peur aussi est instinctive... Et d'ailleurs je n'ai pas l'impression qui lui reste beaucoup de raison en ce moment.
- Je ne sais pas. En vérité nous ne savons pas trop quoi faire...
- Ce que tu essayes de me dire c'est qu'il ne va pas s'en sortir...
- Duo pense qu’oui.
- Duo est un éternel optimiste. Sourit Heero avec tristesse.
Quatre haussa les épaules.
- Il est moins fatigué que nous, peut-être voit-il les choses plus clairement.
- Ou peut-être justement ne veut-il pas les voir...
Quatre n'ajouta rien. Le silence s'installa à nouveau entre les deux hommes.
Treize pénétra dans l'établissement, puis jeta un coup d'oeil alentours. Il localisa Wufei qui prenait son petit déjeuner au fond de la salle. La pièce était pratiquement vide, et cela lui convenait tout à fait, il serait ainsi plus facile d'avoir une conversation sans que qui que ce soit laisse traîner ses oreilles. Il s'approcha de l'Asiatique, qui, le nez dans un livre, ne se rendit pas immédiatement compte de sa présence.
- Puis-je me joindre à vous ?
Wufei redressa la tête et adressa à l'homme un sourire légèrement ironique.
- Mais faites donc. Je vous en prie.
D'un geste gracieux il désigna une chaise face à lui. Il trouvait cette abondance de politesse à la limite du comique. Il se doutait bien que si cet homme souhaitait lui tenir compagnie ce ne devait pas être pour le plaisir de la conversation.
Treize s'installa non sans regarder ce que le Chinois lisait.
- Canis Rufus... Commenta t-il à voix basse.(1)
- Vous n'allez pas me croire mais j'ai bien cru en voir un la nuit dernière.
- Tiens donc. Comme c'est curieux...
- N'est-ce pas... Je ne me suis jamais passionné pour la zoologie, mais il me semblait que cette espèce de loup ne vivait pas dans la région. Il sont même d'ailleurs assez rare à l'état sauvage.
- En réalité, on a cru un moment que la race était éteinte.
- Oui, c'est ce que j'ai lu. Ce qui me surprend c'est que cet animal vit, enfin survit devrais-je dire, en Louisiane et au Texas. Celui-ci a drôlement dérivé vous ne trouvez pas ? C'est loin jusqu'ici...
- Bah ! La nature est tellement surprenante. Parfois même exceptionnellement surprenante. Mais peut-être était-ce un chien ? Où avez-vous aperçu l'animal ?
- Au bord du parking. A la lisière de la forêt. Et bien que je sois un citadin, je sais faire la différence entre un chien et un loup.
- De si loin, dans la nuit...
- Ho mais les nuits sont particulièrement claires à Wolf Lake n'est-ce pas ?
Treize se contenta d'un petit sourire en coin.
- De plus, reprit Wufei, ce matin j'ai observé les traces qu'il avait laissées. Une chance que le temps soit un peu humide ces temps-ci, de belles traces, bien dessinées... Impossible de les confondre avec celles d'un chien.
- Je parie que vous avez été scout. Se moqua Treize.
Wufei lui jeta un regard noir. En effet il avait été scout.
- Alors que pensez-vous ne notre petite ville après ces quelques jours ?
- C'est très... Vert. Et on respire... Très sauvage... Très isolé. L'endroit idéal si on a quelque chose à cacher.
- Pourquoi ? Vous avez quelque chose à cacher monsieur Chang ?
- Pas plus que vous j'imagine.
Ils échangèrent un regard amical dégoulinant d'hypocrisie.
- Et comment avance votre... Enquête... Sur les loups-garous ?
Treize avait sciemment hésité sur le terme enquête pour affirmer son mépris vis à vis d'une entreprise aussi loufoque. Wufei se senti encore plus mortifié qu'il ne l'était habituellement. Le fait que le seul travail qu'il ait pu trouver après ses ennuis avec Lady Une, soit dans un tel magazine, était une humiliation constante pour le jeune homme jadis ambitieux, voir un peu snob qu'il avait été.
- Bof, moyennement comme vous vous en doutez. Mais... Peut-être devrais-je abandonner les lycanthropes pour parler d'un étrange cimetière au coeur des bois où repose un nombre surprenant de jeunes gens. Ou encore de pierres tombales, sur lesquelles est gravé un étrange symbole. Enfin, étrange pour le lieu... L'ancien Fouthark...(3) Je dois dire qu'il m'a fallut un moment pour me souvenir... Nous en avons parlé lors d'un sujet sur les arts divinatoires. Reid. "La chevauchée" je crois. Si je me souviens c'est le fait de se déplacer... pour se rassembler, se réunir... Elle annonce une union... c'est une évolution soit extérieure soit intérieure, c'est à dire d'ordre spirituel. Je suppose que c'est le genre de symbole qu'une secte pourrait s'approprier.
- Une secte ?
- Oui. Une secte. Le genre qui laisse les gens crever sans soins médicaux appropriés !
- Intéressante conclusion. Néanmoins je doute qu'elle passionne votre patron. Vous vous rappelez, le type qui vous paye en fin de mois... Ho une misère certainement, mais une misère qui vous permets de manger à peu près à votre faim.
Wufei plissa les yeux jusqu'à ce qu'ils ne soient plus que deux fentes ténébreuses. S'il avait été un loup, Treize aurait été certain qu'il s'apprêtait à lui bondir dessus pour lui arracher la gorge. Il devinait une agressivité stupéfiante chez ce jeune homme d'apparence sereine. Il dégageait une aura étrange, similaire à la leur, et pourtant totalement différente... Le temps que Treize se penche d'avantage sur la question, il n'y avait plus trace de colère chez l'Asiatique, et il ne put qu'admirer la maîtrise sans faille de son adversaire.
- Vous ne trouvez pas étrange que l'on vous ait envoyé si loin de Seattle, tout frais payés, pour courir après quelque chose d'inexistant ? Le magazine pour lequel vous travaillez est plutôt insignifiant et ne dispose pas de beaucoup de fonds. Dans le numéro de ce mois-ci j'ai vu que vous aviez écrit un article sur le sasquatch, on ne vous a pas envoyé le photographier celui-là, et pourtant il a plus de crédibilité que le loup-garou non ?
- Où voulez vous en venir monsieur Kuschrénada ?
- Au fait que votre patron s'appelle Van Halen.
Tôt ce matin, Zech lui avait envoyé par fax, le résultat de ses recherches entreprises sur le propriétaire du journal qui embauchait Wufei, et sur ses quelques employés. L'idée de Duo concernant la maison Jenkins passait donc au second plan à présent.
- Et ?
- Et il y a de cela quelques années, je n'étais qu'un enfant, un certain Van Halen est venu à Wolf Lake en quête de loups-garous. Il a été prouvé qu'il était dangereux, suite à quoi il a été interné. Il avait faillit tuer un honnête citoyen en essayant de prouver qu'il était le chef d'une meute de loups-garous(4). Il est resté dix ans dans un asile près de Toronto, où vivait sa famille. Sa femme Emily et son petit garçon, Jonathan. James Jonathan Van Halen que nous retrouvons aujourd'hui à Seattle, ça vous dit quelque chose monsieur Chang ? Évidemment, puisqu'il signe vos chèques. Vous voyez où je veux en venir ?
- Je suppose. En admettant que monsieur Van Halen soit... Un peu fêlé de la cafetière... Et qu'il croit que son père disait la vérité, pourquoi n'est-il pas venu enquêter lui-même ? Pourquoi attendre si longtemps ?
- Peut-être qu'il espérait qu'un brillant journaliste tel que vous finirait par découvrir quelque chose. Peut-être aussi préférait-il que ce soit quelqu'un d'autre que lui qui serve de souper. Votre disparition tragique n'aurait fait que confirmer sa théorie. Je soupçonne votre patron d'être aussi dangereux que son pauvre père. Si vous voulez mon avis il magouille quelque chose.
- Et question magouilles vous en connaissez un rayon je suppose ?
- On frôle la diffamation là monsieur Chang. Diffamation, c'est bien le mot employé par cette délicieuse personne... Lady Une.
- Elle était coupable. Elle a fait exproprier illégalement un nombre considérable de pauvres gens pour pouvoir construire des immeubles neufs et haut de gamme destinés à des personnes fortunés. Elle Comptait réhabiliter tout le quartier en se débarrassant de ce qu'elle appelait la racaille. Elle a éliminé toutes les personnes qui la gênaient. Soit en les discréditant, soit par des manoeuvres plus... Radicales.
- Evidemment vous avez enfourché votre blanc destrier pour rétablir l'ordre et la justice.
- Epargnez-moi vos sarcasmes voulez-vous ?
Treize vit qu'il touchait là un point particulièrement sensible.
- Excusez-moi. Je n'aurais pas du. Mais comprenez-moi bien monsieur Chang, cette ville m'est précieuse, et je ne tiens pas à ce qu'un fou vienne y semer le désordre. Vous n'appréciez peut être pas tout à Wolf Lake, mais nous vivons comme nous l'entendons, tout le monde se connaît et chacun aidera son voisin si nécessaire, nous avons peu de faits divers et quasiment pas de délinquance. Nous avons fait des efforts pour préserver la faune, la flore et notre tranquillité. Nous ne voulons pas qu'un type qui courre après des chimères vienne remettre tout cela en question.
- Qu'attendez-vous de moi exactement ?
- Appelez Monsieur Van Halen, dites-lui que vous n'avez absolument rien trouvé qui sorte de l'ordinaire. Proposez-lui à la place du sujet sur les loups-garous, un article sur la maison de Mary Jenkins. On ne peut pas faire plus hantée ! Beaucoup de témoins disent avoir vu des choses étranges là bas, certains ont même pris des photos...
- Où est-elle ?
- A l'est de la ville, près de la réserve indienne. A trente Kilomètres.
- En dehors du compté ? Interrogea Wufei encore plus ironique qu'auparavant.
- A la limite.
- Mais pas à Wolf Lake ?
- Non.
- Pourquoi ferais-je cela ?
- Parce que c'est juste.
- Je vais y réfléchir.
- Je vous laisse à votre réflexion alors. Je vous souhaite une bonne journée. Ha encore une chose... S'il arrivait que par un extraordinaire hasard vous décidiez de demeurer parmi nous... Vous ne rencontreriez aucune difficulté pour trouver un logement et un travail.
- Pourquoi resterais-je ?
- Je ne sais pas... Le charme de la ville sans doute. Nous avons de très jolies choses à Wolf Lake, vous ne trouvez pas ?
Les pensées de Wufei se teintèrent un instant de mauve, puis de roux. Un humain, un animal...
- Si...
Sur un rire bas Treize abandonna l'Asiatique à ses songes.
1) Tiré de la série. Dans je ne sais plus quel épisode une jeune fille dont la métamorphose se passe mal s'enfuie, le shérif est obligé de la poursuivre et il finit par la récupérer dans une grange. Je présume qu'elle est plus ou moins incontrolable puisqu'ils utilisent des bâtons avec une corde au bout, je ne sais pas comment ça s'appelle...
(2) appelé vulgairement loup rouge
(3) Alphabet nordique
(4)Tiré de la série. Un certain Van Halen essaie de prouver l'existence des loups-garous en diffusant sur internet une transformation en direct. Pour cela il veut injecter du sang de louve (Ruby, l'héroïne qu'il a volée à des braconniers je crois, je ne me souviens plus)au chef de meute pour provoquer la transformation. Manque de bol, il choisit le héros qui est bien humain, enfin pour autant qu'on le sache à ce stade de la série. En fin de compte pour s'en débarrasser la meute s'arrange pour le faire interner. Etant donné qu'il a faillit tuer quelqu'un et qu'il a l'air complètement barjot ce n'est pas compliqué.