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Mea culpa

 

Chapitre1

La pièce baignait dans le paisible clair-obscure d'un après-midi automnal. Les pilotes de Gundam, indifférents à la pluie qui ruisselait sur les carreaux, patientaient dans le calme habituel mais tout de même un peu sinistre du bâtiment aseptisé. Heero, assis sur une chaise en plastique bleu, examina ses compagnons pour se faire une idée de leur état d'esprit. Trowa se tenait appuyé contre le mur près de la porte. Sa posture pouvait paraître nonchalante aux yeux d'un inconnu mais il était en réalité tendu et peut-être même en colère. Duo marchait de long en large aussi silencieusement qu'il le pouvait pour ne pas déranger le malade, et Quatre était assis au bord du lit, juste d'une fesse, comme s'il craignait par son unique présence de faire encore plus de mal au Chinois. Wufei... Wufei était sous calmants depuis la nouvelle. Heero, lui, se sentait amer et furieux. Responsable, aussi. C'était lui qui avait mis en place tous les paramètres de la mission, et le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'elle avait été un échec monumental. Encore maintenant, il ne comprenait pas comment les choses avaient pu si mal tourner. Comment une simple réserve avait-elle pu être rempli de soldats et d'Ariès ? Cela aurait dû être une base quasiment désaffectée servant à entreposer des fournitures militaires mais aucune arme de pointe ! D'ailleurs ils n'avaient rien trouvé en dehors d'une armada pour les piéger. La première idée qui lui venait à l'esprit était bien entendu la trahison. Quelqu'un avait prévenu l'ennemi. Leur mission consistait à apporter leur appui aux rebelles de la région qui souhaitaient s'emparer de nourriture, de vêtements, de couvertures et de médicaments. Depuis quelques mois, ils avaient reçu pour consigne de renforcer la résistance en aidant les rebelles à acquérir ce dont ils manquaient le plus et en étudiant leur structure militaire afin de les conseiller. Les professeurs pensaient qu'il était finalement préférable de garder une cohésion au sein de la résistance qui, poursuivit par Romfeller, commençait à s'épuiser faute de matériel de base et de nourriture nécessaires à leur survie quotidienne. Les soldats étendaient leur emprise sur les populations en leur inspirant la peur. Quiconque aidait les rebelles était passible de prison, voire dans les cas extrêmes de peine de mort. Les résistants de tous les pays et des colonies préféraient se débrouiller comme ils le pouvaient. Ici, en Ecosse, les pilotes de Gundam avaient été très impressionné par leur volonté et leur courage. C'était d'excellents guerriers même si au départ ils étaient avocats, ouvriers, étudiants, médecins ou artisans... Ils étaient les dignes héritiers de William Wallace. Eux aussi étaient prêts à tout risquer au nom de la liberté.
La porte s'ouvrit brusquement sur Sally et sur un autre homme que les garçons ne connaissait pas. Il était grand, très mince, avec des cheveux argentés. Son visage présentait quelques rides mais il était difficile de lui donner un âge avec précision. Il semblait plutôt distant, voire antipathique. Avant d'avoir eu le temps de faire un pas dans la chambre il se retrouva avec quatre revolvers sous le nez mais cela ne sembla pas l'ébranler outre mesure.
- Calmez vous. Intervint la jeune femme. C'est... Mon père. C'est lui qui a fait admettre Wufei ici.
Les jeunes hommes furent un peu étonnés par la nouvelle mais sans plus. Si les événements avaient été autres Duo aurait sûrement plaisanté sur le fait que Sally se décide à présenter Wufei à ses parents, mais voilà, aujourd'hui il n'avait aucune envie de rigoler. Mais alors vraiment aucune.
- Et on peut savoir pourquoi il n'est pas venu l'examiner plutôt ? Demanda t-il avec une pointe de reproche.
C'était en effet Sally qui s'était occupé des premiers soins et qui avait décrété que Wufei devait aller à l'hôpital pour des examens approfondis et qu'il devait voir le professeur "machin truc". Mais depuis ils étaient seuls dans la chambre, constamment sur le qui vive et attendant les résultats des examens qu'une infirmière, une résistante, avait fait passer au Chinois.
- Parce que j'avais une opération très délicate jeune homme. Et je vous prierez de bien vouloir cessez de m'agiter cette arme sous le nez c'est très déplaisant.
Le jeune arabe fut le premier à ranger son arme puis il vint poser sa main sur l'avant bras de Heero.
- S'il te plaît.
Le japonais se contenta de baisser la sienne.
- Père de Sally ou pas, au moindre mouvement suspect je vous abats c'est claire ?
- Limpide.
- Qu'a-t-il exactement ? Interrogea Trowa.
- Est-ce qu'il pourra remarcher ? Précisa Quatre.
- C'est difficile à dire à ce stade... Le coup de barre de fer qu'il a reçu dans le dos a engendré un oedème au niveau de la colonne. Il est possible que celui-ci se résorbe de lui même. Dans le cas contraire nous envisagerons une opération mais les opérations du dos sont toujours délicates et sans assurance quant au résultat. La meilleurs chose à faire actuellement c'est attendre.
- Très bien. Dans ce cas il peut attendre ailleurs. Affirma Heero d'une voix sans émotion.
Sally sursauta.
- Non Heero, tu ne te rends pas compte... C'est très grave ce qu'il a, il a besoin de rester à l'hôpital.
- Hors de question. Nous ne devrions même pas être ici. Nous devons le transporter dans un endroit plus sûr.
- Le transport pourrait lui faire énormément de mal.
- Nous n'avons pas le choix. Et tu le sais très bien.
Ne trouvant aucun appui chez les pilotes elle se tourna vers son père.
- Explique leur...
- Je suis désolé Sally mais je pense qu'ils prennent la décision la plus raisonnable étant donné les circonstances. J'ai fait admettre ce jeune homme sous un faux nom mais nous ne sommes pas à l'abri d'une fuite. De plus leur présence met l'hôpital et son personnel en danger.
- Papa...
- Sois lucide Sally. Ne te laisses pas aveugler par tes émotions. Pense à ce qui se passerait si ces jeunes gens étaient arrêtés. Je ne crois pas qu'une incarcération serait plus bénéfique à la santé de ton ami. En prenant des précautions il est tout à fait possible de le transporter.
- En temps normal... Insista la jeune femme.
- Oui mais nous ne sommes pas en temps normal coupa Trowa. Nous sommes en guerre.
- Très bien reprit le professeur. Vous n'aurez qu'à emprunter une ambulance cette nuit. Nous ne déclarerons le vol que demain. Étant donné que c'est un véhicule voyant il faut que d'ici demain vous ayez transporté votre ami en sécurité et ayez abandonné l'ambulance aussi loin que possible du lieu choisi pour vous cacher. Je vais aussi vous fournir le matériel et les médicaments nécessaires à ses soins. Pendant que je m'occupe de cela Sally va vous expliquer comment les administrer. Pour l'instant c'est tout ce que je peux et accepte de faire pour vous.
- C'est déjà énorme. Nous vous remercions. Murmura Quatre.

Trouver un endroit sûr et fonctionnel ne fut pas une chose aisée mais Heero parvint tout de même à le faire. C'était une vieille maison en pierre, située dans une vallée où peu de gens s'aventuraient à cause de son éloignement. Elle ne possédait que deux chambres, une salle de bain et une grande pièce qui faisait à la fois office de cuisine, de salon et de salle à manger. L'habitation ressemblait d'avantage à un pavillon de chasse qu'à une villa, elle offrait un confort rudimentaire mais suffisant pour y demeurer plusieurs jours. Les pilotes évitaient de sortir pour limiter les rencontres. Ils avaient décidé qu'un seul d'entre eux se rendrait régulièrement en ville pour faire des courses et Duo avait été choisi. A chaque sortie, il dissimulerait sa natte, dans un soucis de discrétion. Tour à tour les jeunes gens s'occupaient du ménage, de la cuisine et de Wufei. Celui-ci vivait très mal son handicape. Il était d'une humeur de chien. De chien enragé. Il passait sans préavis de l'agression verbale au mutisme le plus total. Sa paralysie des membres inférieurs était une épreuve pour lui mais aussi pour ses amis. Ils essayaient de faire preuve de patience, comprenant à quel point une telle situation devait être frustrante et humiliante, mais ce n'était guère facile tant l'Asiatique était désagréable, comme s'il souhaitait les pousser à bout dans l'espoir que l'un d'eux l'achève. Cela ne faisait que deux jours et déjà tout le monde semblait à bout de nerf. Pour la première fois depuis leur installation c'était au tour de Quatre d'apporter son déjeuner au malade. Trowa et Heero espéraient qu'il saurait apaiser le Chinois, seulement aucun d'eux ne savait ce qui s'était réellement passé à la base... Dès que le jeune homme pénétra dans la chambre, Wufei le fusilla du regard.
- Fou le camp d'ici Winner !
- Wufei... Je...
- Ta gueule !
L'Asiatique saisit un livre sur sa table de chevet puis dans un geste vengeur le lui jeta à la figure. En l'évitant Quatre ne put maintenir le plateau en équilibre et celui-ci se répandit sur le sol.
- Je hais les faibles, les lâches et les pleurnichards ! Je ne veux plus jamais te voir dans cette pièce tu m'entends ? Tu n'es qu'un ignoble traître ! Je te maudis Winner ! Même une onna est plus digne de combattre que toi !
Finalement c'est tout le contenu de la table de chevet que Wufei lui jeta à la figure accompagné de diverses imprécations en chinois. Quatre sortit à la hâte pour ne plus entendre toutes les horreurs que le malade lui hurlait dans les oreilles, il n'avait pas besoin de les comprendre pour se faire une idée très précise de ce qu'elles signifiaient. Au passage il bouscula les autres attirés par le bruit mais ne prit pas la peine de s'excuser. Il s'enferma dans la chambre qu'il partageait en alternance avec les autres pilotes et malgré leur insistance ils ne le revirent plus de la journée. Duo nettoya le sol et Heero remonta un autre plateau que Wufei négligea avec une obstination qui aurait fait rougir de honte une mule. Au bout de quelques minutes Heero se leva et saisit le plateau un peu violemment. Sous cette brusque impulsion un peu de potage déborda de l'assiette.
- Après tout fais comme tu veux. Tu souhaites te laisser mourir de faim ? Libre à toi, moi je m'en fou ! Je ne croyais pas qu'un jour je te verrais refuser un combat. J'avais du respect pour toi Wufei. Et regarde toi ! Tu es pathétique. T'en a pas marre de t'apitoyer sur toi même ?
- J'aimerais bien te voir à ma place. Qu'éprouverais tu si du jour au lendemain tu n'étais même plus capable de te laver et d'aller aux toilettes tout seul ? J'ai l'impression que l'on m'a arraché jusqu'à la plus petite parcelle de dignité et d'honneur.
- Ce n'est pas le cas. Par contre il n'y a aucun honneur à se laisser mourir de faim pour fuir une situation effrayante. Et aucune dignité dans le fait de passer sa colère sur les autres.
Heero s'apprêtait à quitter la chambre mais au dernier moment il s'arrêta sur le seuil de la pièce.
- Que s'est-il passé avec Winner ?
- Tu n'as qu'à lui poser la question.
Le jeune homme referma doucement la porte puis se tourna vers Duo qui l'attendait dans le couloir.
- Tu ne crois pas que tu as été un peu dur ?
- Hn.
- Ho je vois, tu as tellement parlé durant ces cinq dernières minutes qu'à partir de maintenant tu vas t'économiser pendant les six prochaines semaines.
- Baka.
Ils retournèrent au salon, en silence, chacun plongé dans ses pensées. Trowa lisait un magazine animalier en les attendant mais sans lui pretter de véritable intèrêt. Dès leur apparition il releva la tête.
- De toute évidence Quatre ne pourra pas s'occuper de Wufei cette nuit. Déclara t-il. Par conséquent nous sautons son tour et c'est toi Duo qui le fera.
Dès le départ ils avaient instauré certaines règles pour parvenir à gérer un tant soit peu la situation. L'un des pilotes dormait aux côtés de wufei, au cas où il aurait besoin de quelque chose, deux occupaient la chambre libre, et le quatrième se contentait du canapé. Ils alternaient afin que chacun puisse vraiment se reposer dans un lit confortable.
Heero regarda Duo puis Trowa. Même s'il n'affichait pas d'expression particulière il était évident pour ses deux amis qu'il était soucieux.
- Est-ce que l'un de vous sait ce qui se passe entre Chang et Winner ?
Le Français secoua la tête de gauche à droite mais Duo se contenta de baisser la sienne.
- Duo je veux ton rapport.
- Ben... Je ne sais pas...
- C'est un ordre.
- Si c'est un ordre c'est diffèrent. Répondit-il avec un air particulièrement goguenard et un regard qui criaient "cause toujours !".
- Vous n'allez pas recommencer tout les deux ! On dirait un vieux couple.
Les deux concernés détournèrent les yeux visiblement gênés. Trowa fronça les sourcils en se demandant si certains événements ne lui avaient pas échappé. Au bout d'un instant de réflexion il décida que ce n'était pas ses oignons.
- Duo, je crois que Heero a raison, il est préférable que nous connaissions la situation avec précision.
Le jeune homme hésita, pesa le pour et le contre puis se décida. Après tout Quatre ne lui avait pas demandé de garder le secret.
- OK. Lorsqu'ils ont voulu fuir par le hangar avec les médicaments, ils ont été confronté à plusieurs soldats. Ils croyaient les avoir tous descendu... Mais alors que Wufei était baissé sous le capot d'une vieille jeep en panne, un jeune homme, qui jusque là était resté dissimulé derrière un pilier, s'est dressé derrière lui avec une barre d'acier. Quatre a levé son arme mais au moment de tirer il a reconnu un ami d'enfance et il a hésité. L'autre par contre n'a pas hésité et le temps que Quatre et Wufei réagissent ce dernier avait pris un mauvais coup. Un seul mais qui a abouti à la situation que nous connaissons. Ça aurait pu être bénin mais il faut croire que ce jour là notre dragon n'était pas en veine. Quoiqu'il en soit Wufei reproche à Quatre de ne pas l'avoir couvert comme il aurait dû. C'était un soldat de Oz et il aurait dû tirer, ami ou pas. Ils s'étaient déjà attrapés dans le camp rebelle.
- Il nous manquait plus que ça ! Commenta Trowa.
- Hn.Tu aurais pu nous prévenir.
- Vous ne m'avez rien demandé. Conclut Duo avec la plus parfaite mauvaise foi.
- Comment on aurait pu baka ?
Trowa retourna à la vie passionnante des mouflons et laissa ses deux amis à leur dispute conjugale.

 

Ils n'auraient pas cru cela possible mais les cinq jours qui suivirent furent pires que les premiers. Wufei acceptait de se nourrir mais son caractère ne s'améliorait pas pour autant, du chien enragé il était passé au dragon qui a une écharde dans l'oeil. S'il apercevait ne serait-ce qu'un épi de mèche dorée il devenait furibond. Quatre errait dans la maison comme une âme en peine. Non seulement il avait tout de même du abattre son ami d'enfance mais en sus Wufei le haïssait et le méprisait. Si l'Arabe tolerait l'idée de n'être qu'un ami pour Wufei, il ne supportait pas du tout son hostilité et son rejet total. Du coup, Heero, Duo et Trowa se retrouvait avec deux dépressifs sur les bras. Un, ronchon au possible, et l'autre, amorphe comme s'il passait ses journée à fumer des joints. Néanmoins la certitude que les mauvaises herbes du jardin étaient la seule herbe disponible à des kilomètres à la ronde rassurait nos amis ; Ils doutaient fortement que l'on puisse se shooter au chardon sauvage.
Le japonais cherchait un moyen de mettre terme à une situation qui dégénérait chaque jour d'avantage, et il avait beau retourner le problème dans tous les sens, seul le dialogue semblait convenir. Un matin, il profita donc de ce que son amant était encore un peu endormi pour lui suggérer de parler à 05 et 04 puisqu'il était le plus disert. Comme d'habitude, Duo lui répondit "ouai ouai" sans avoir compris un traître mot. De toute évidence, dans l'histoire, il n'y avait pas que le mot qui était traître, et après ce coup bas Heero connu les affres de l'abstinance pendant une semaine. Pauvre consolation pour notre Américain abusé.


Dans son opération thérapie Duo connu un échec retentissant. Quatre l'écouta et acquiesça lorsque l'américain lui dit que tout s'arrangerait mais il fut bien vite évident qu'il n'en avait rien cru. Il faisait semblant, ce qui aux yeux des autres, était encore pire. Quant à Wufei, il envoya son ami se faire voir ailleurs avec un vocabulaire des plus fleuri dans lequel les grecs tenaient une place importante. Il ne voulait pas entendre parler de l'Arabe et encore moins des sentiments que celui-ci éprouvait à son égard. Malheureusement pour Quatre, cet amour qu'il croyait cacher, était en fait le secret de polichinelle. Même Trowa était au courant et pourtant Dieu sait s'il vivait en marge des autres les trois quarts du temps. Wufei n'avait pu faire autrement que de s'en rendre compte. Il avait surpris un ou deux regards qui ne laissait aucune ambiguïté sur ce que l'arabe rêvait de faire avec lui. Il le croisait souvent lorsqu'il pratiquait ses exercices, et le feu qui brûlait alors dans ses yeux ne pouvait pas être dû à son admiration pour les arts martiaux. De plus le jeune homme était entré plus d'une fois dans la salle de bain par erreur, et fait inexplicable, dans ces moments là, c'était toujours Wufei qui prenait sa douche. Évidemment le Chinois aurait pu fermer la porte à clef ou faire ses exercices plus loin, mais c'était des points sur lesquels il refusait de s'attarder.

A suivre...

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